Critiques

sleater kinney

Sleater-Kinney

Path of Wellness

  • Mom + Pop Music
  • 2021
  • 39 minutes
6

L’année 2019 fut particulièrement chaotique pour la formation Sleater-Kinney. En plus d’avoir reçu un accueil mitigé lors de la parution de The Center Won’t Hold — disque pourtant réalisé par la talentueuse Annie Clark, alias St. Vincent — le pivot rythmique de la formation, Janet Weiss, a quitté ses acolytes Corin Tucker et Carrie Brownstein avec fracas. À l’époque, une forte divergence d’opinions s’était installée entre elles quant à la direction artistique à emprunter.

The Center Won’t Hold était également marqué par l’approche plus fédératrice de St. Vincent, au point où l’ADN sonore de Sleater-Kinney — cette mixture de rock, de post-punk ou de punk rock — a été complètement dénaturé. De plus, comme une part importante de nos voisins états-uniens, les membres de la formation ont été estomaqués par l’élection du « grand orange peroxydé » les plongeant ainsi dans un état morose.

Au cours des deux dernières années, Tucker et Brownstein en ont profité pour repartir sur de nouvelles bases. Path of Wellness a été enregistré et composé pendant le grand confinement du printemps 2020. Le duo s’est donc tourné vers la crème des musiciens résidents de Portland, Oregon, afin de concrétiser ce remaniement créatif. Et pour la première fois de leur carrière, elles tiennent les rênes de la réalisation.

Ce nouveau long format est bel et bien la matérialisation du virage pop amorcé avec le précédent effort. Même si les guitares sont de retour, c’est la sensibilité pop qui domine, ce qui plaira à certains, mais moins à l’auteur de ces lignes… On ne peut reprocher aux deux meneuses de tenter quelque chose de nouveau, mais en embrassant à pleine bouche une facture résolument pop, c’est la créativité de ces deux musiciennes qui s’évapore. Compte tenu du contexte dans lequel cette création a été élaborée, le résultat aurait dû être plus aventureux. Tucker et Brownstein ont préféré écrire des chansons musicalement inoffensives.

Pourtant, côté textes, le tandem n’hésite pas à prendre position sur plusieurs sujets controversés. Dans Favorite Neighbor, elles y vont d’une diatribe à peine voilée sur le rôle des médias sociaux dans l’amplification de controverses qui souvent se volatilisent après quarante-huit heures de rotation incessante. Worry With You est un texte touchant portant sur la solidarité amoureuse en temps troubles :

Middle of the night, dark thoughts are whirling

Crossing of the days til’ you are returning

If I’m gonna worry, I’m gonna worry with you

– Worry With You

Path of Wellness est à son meilleur quand la colère et l’ironie sont en symbioses avec un son plus décapant. Dans Complex Female Characters, les guitares abrasives et le texte sarcastique ne font qu’un. Cette pièce expose au grand jour les « bonnes intentions » de tous ces hommes se disant féministes, mais qui se braquent dès que les femmes manifestent un tant soit peu leur colère.

Le principal écueil de ce changement d’identité, c’est que le son de Sleater-Kinney se rapproche maintenant d’un pop-rock grand public et poussiéreux « à la Pretenders ». Malgré la pertinence littéraire, l’urgence musicale, elle, n’y est plus et, puisque le rock ne tolère aucunement la retenue, Path of Wellness est trop domestiqué pour susciter un réel enthousiasme.

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