Critiques

Sisyphus

Sisyphus

  • Asthmatic Kitty / Joyful Noise Recordings
  • 2014
  • 52 minutes
7,5

Sisyphus-cover-art-608x608L’alliance entre Sufjan Stevens, Serengeti et Son Lux date maintenant d’un an et demi alors qu’ils avaient fait paraître Beak & Claws sous le nom s/s/s/, mais la bande trouvait que ça ressemblait un peu trop à la fameuse police nazie… Ils se sont donc rebaptisés en l’honneur de l’essai d’Albert Camus titré Le mythe de Sisyphe. Contrairement au Sisyphe de Camus, la musique de Sisyphus est aux antipodes de la répétitivité et de la routine.

Si les albums de collaborations entre différents artistes peuvent parfois donner des résultats douteux ou peuvent ressembler à deux opus compactés à l’intérieur d’un seul (voire Divine Fits), Sisyphus a su éviter ce piège. Est-ce que la personnalité de chacun des membres ressort un peu plus à certains moments? Évidemment, surtout qu’on est en présence ici de trois artistes accomplis. Leur premier rejeton du collectif a été enregistré en trois semaines, motivé par plusieurs bouteilles de vin rouge.

Le résultat donne un album qui porte définitivement la marque musicale de Stevens. On ne peut se tromper: la construction, les sonorités, l’aspect parfois éthéré sont définitivement campés dans un univers dont seul le compositeur américain connaît la recette. Take Me est l’exemple le plus probant. Stevens n’avait d’ailleurs jamais caché son intérêt pour le hip-hop, allant même jusqu’à poser avec des chaînes en or sur son Tumblr tout en disant qu’il aimerait se réveiller et être Mac Miller.

À d’autres occasions, on sent parfois la touche de Son Lux qui vient prendre une place plus importante, entre autres sur l’excellent Booty Call qui saura créer des flammèches sur un plancher de danse. On a également droit à la prose dense de Serengeti qui s’harmonise à merveille avec les univers musicaux des deux autres. Le moment sans doute le plus fusionnel entre les trois protagonistes est la conclusion de Calm Me Down; pièce qui ouvre la galette, alors que sur une base rythmique de Son Lux, ponctuée par les mots de Serengeti, Stevens chante de façon vaporeuse: «I’m on my own two feet/But I’m not standing upright/Mine is the pressure/Mine is the pain/Was it the drugs I take/Was it ambitious outbrake/Mine is the fury/Mine is the gain»

Cet échange et cette complémentarité entre les musiciens sont bien représentés dans Rythm Of Devotion, un des moments forts de ce Sisyphus. On voit le MC prendre une approche plus simple et agressive pour ensuite se dissoudre dans un moment tout en douceur typiquement Stevens. Alcohol, dernière pièce de la galette, est un autre des très bons moments du trio: entraînante, dense et riche, rien à redire.

Sisyphus s’en sort très bien au final et offre une création homonyme qui fera des adeptes dans les sphères plus expérimentales du hip-hop. Les univers des trois artistes s’harmonisent très bien et on sent parfaitement la forte volonté des trois artistes à pousser dans la même direction. À certains moments, on sent que les univers musicaux sont tissés quelque peu maladroitement ensemble, mais on est loin d’un Frankenstein musical.

Ma note : 7.5/10

Sisyphus
Sisyphus
Joyful Noise/Asthmatic Kitty
52 minutes

sisyphusmusic.com/