En 2020, le quatuor art-punk, résident de la Vieille Capitale et réputé pour présenter des concerts cathartiques, avait fait paraître Grossière Incandescence, une création qui dégoulinait de nihilisme. Saints Martyrs est la nouvelle appellation qu’empruntent dorénavant les ex-Saints Martyrs de Marde.

Enregistrée au Pantoum — un très important complexe de création musicale situé à Québec —, la réalisation de Mythologie de dernier recours a été confiée au bon Navet Confit. Le mixage, lui, a été remis entre les mains de Tonio Morin-Vargas.

Or, plusieurs éléments distinguent ce nouveau long format du précédent. Tout d’abord, un arsenal de collaborateurs sont venus prêter main-forte à Saints Martyrs : Rémy Bélanger de Beauport, Jean-Michel LV (Pure Comédie), Mertin Hoëk (CRABE), Keith Kouna, Rox Arcand, Xarah Dion et Lou-Adriane Cassidy, entre autres.

Et cette sortie flambant neuve est vraiment ambitieuse… au sens le plus noble du terme. En plus d’exorciser la violence pernicieuse de la vie moderne à grands coups de punk hardcore primal, le groupe élargit sa palette sonore en pigeant intelligemment dans les musiques industrielles et électroniques, le grunge, le rock québécois des années 70 et la chanson française.

Si l’objectif de Mythologie de dernier recours est de confronter l’humain à ses innombrables contradictions, eh bien, Saints Martyrs accomplit admirablement bien sa mission, et de manière sentie de surcroît.

Dans Steakhouse, Frère Foutre (voix) et ses ouailles dépeignent de manière aussi émouvante que troublante l’apocalypse climatique à venir :

Quelqu’un qui pleure jamais pour sauver de l’eau

Quelqu’un qui retient son souffle pour donner aux autres un peu d’air

Comme un homme doux dans un steakhouse

Qui demande rien qu’un verre d’eau

– Steakhouse

Sur Chien de garde, c’est Keith Kouna qui réfère de nouveau à ce climat qui se dérègle à vitesse grand V. :

Le parking est désert

L’alsphate est trop chaud

J’descends en enfer

Checker l’compteur d’hydro

– Chien de garde

Saints Martyrs est une formation lettrée et cultivée. Que ce soit le complexe d’Oedipe dans Demain ma thérapie, la 6^e extinction de l’humanité en cours et l’Arche de Noé dans Steakhouse, les références littéraires, bibliques et contemporaines pleuvent.

Musicalement, les synthétiseurs violonés, les guitares discordantes, les hurlements d’enfer, mais aussi les mélodies fédératrices, se côtoient et contribuent à crédibiliser grandement cette trame narrative dantesque… comme un opéra rock, mais qui évite habilement les clichés du genre.

Mythologie de dernier recours est rempli de moments grisants. L’explosion grunge à la mi-parcours de Jeu d’enfant est franchement purgative. Dans Minotaure, d’entendre Lou-Adriane Cassidy dans un format sonore plus « malsain » est réjouissant au plus haut point. La « power ballad » Panne de feu est certes fédératrice, mais de manière malaisante. Icare 24/7 est une rencontre improbable entre Robert Charlebois et Motörhead. Et impossible de demeurer de marbre à l’écoute de Steakhouse qui évoque le Alain Bashung de l’album Fantaisie Militaire… et ce n’est pas un mince compliment !

Malgré le ton résolument alarmiste et élégiaque de Mythologie de dernier recours, le mélomane ouvert d’esprit, pleinement lucide de l’état environnemental lamentable de notre planète, saura apprécier cet album sincèrement anxiogène. Un instantané de notre époque où la capacité de croire à un avenir radieux s’étiole dangereusement.