Critiques

Rosie Valland

Emmanuelle

  • Secret City Records
  • 2022
  • 25 minutes
7

Quand elle a fait paraître Blue, Rosie Valland a bien expliqué que pour la première fois, elle avait construit un album exactement dans les sonorités qu’elle voulait mettre de l’avant. Celles-ci étaient résolument pop. On pourrait même dire surprenamment pop versus ce qu’elle avait offert sur les albums et EP précédents. C’est drôle de voir aussi que Rosie Valland n’a jamais été aussi « urbaine » dans sa musique alors qu’elle habite depuis un bon bout de temps en campagne.

Sur Emmanuelle, elle pousse l’enveloppe pop un peu plus loin et l’assume un peu plus. Particulièrement vocalement. Rosie Valland n’a pas la voix de Céline Dion, mais elle se permet un peu plus de risque vocal, signe d’une confiance renouvelée en ses capacités. Voulant se diriger dans une aventure plus pop, elle a aussi étudié et compris comment se fait la pop à travers le monde. Si Dua Lipa livre des morceaux aussi infectieux, c’est parce qu’une équipe de 20 personnes travaillent sur le projet. Elle a donc décidé de s’entourer pour Emmanuelle. En plus de Frédéric Levac (Pandaléon) qui signe presque toutes les pièces à ses côtés, elle a recruté de solides musiciens : Mike Clay (Clay & Friends), Jérôme Beaulieu (l’un des meilleurs pianistes du Québec, Misc), Félix Petit (Les Louanges, Hubert Lenoir, FELP), Marc-André Labelle (Safia Nolin) et son complice depuis les débuts, Jesse Mac Cormack.

La force de frappe pop de Rosie Valland se fait sentir particulièrement sur les premiers simples parus. Tour à tour est groovy et mélodieuse. L’efficace Non merci rappelle le monde sonore d’Angèle et met de l’avant une posture affirmée. La douce et contagieuse Mantra nous emporte aussi dans le sillon de son air efficace. La plus surprenante de l’album est Attiser le dilemme sur laquelle Valland fait la confession d’avoir charmé sans le vouloir. C’est un angle assez unique pour une pièce de pop. D’habitude, c’est la recherche de l’amour qui est mis de l’avant plutôt que d’avoir dit non.

Avec cette envie de pop viennent aussi les pièges. Rosie Valland ne tombe pas complètement dedans, mais elle les frôle sur Ici-bas qui a une petite tendance à tirer vers le déjà entendu. Elle y fait par contre de petites inflexions vocales à la Céline Dion qui sont assez intéressantes. Après cette pièce, qui nous laisse un peu en questionnement, elle revient avec la convaincante Une fin féconde pour terminer en beauté. Exil est un autre morceau moins réussi de l’album. On dirait que dans les pièces plus posées, les dangers de tomber dans des mélodies vocales usuelles sont plus présents.

C’est beau de voir comment Rosie Valland a décidé d’aller à fond dans la pop contemporaine et qu’elle fait son chemin à travers ces sonorités avec une certaine justesse. Le plus gros point faible d’Emmanuelle est sa durée. 25 minutes, ce n’est pas très long. L’ensemble se tient, ceci étant dit, mais ça reste un peu court pour un album. Il y a aussi des intermèdes d’une vingtaine de secondes qui nous sortent de l’enchaînement trop abrupt, mais encore là, il y a des questions sur le pourquoi du comment. Pourquoi ces enregistrements à ces moments? Ce n’est pas clair à l’écoute.

Rosie Valland poursuit son chemin vers la pop contemporaine et elle est douée. À ses meilleurs moments, elle est même très convaincante. Il reste un peu de constance à trouver, mais gageons qu’elle la trouvera avant longtemps. Avec cette approche, les plus grandes scènes pourraient ouvrir leurs bras à l’autrice-compositrice-interprète.