Critiques

Rosalie Ayotte

Pansement

  • Audiogram
  • 2023
  • 32 minutes
7

Deux ans se sont écoulés depuis le passage de Rosalie Ayotte à Star Académie. Finaliste féminine de l’édition 2021, la jeune autrice-compositrice-interprète avait marqué les esprits grâce à ses compositions originales bouleversantes. Son premier album, Pansement, en propose dix toutes aussi réfléchies.

Bien avant de partager la scène des studios MELS avec des géants de la chanson francophone, Ayotte naviguait déjà habilement dans les eaux de l’industrie musicale québécoise. À 15 ans, son interprétation de la chanson Mappemonde attire l’attention des Sœurs Boulay. Elle devient rapidement leur protégée et assure la première partie de leur tournée, en plus de les accompagner sur scènes lors des Francos en 2015.

Il ne fait pas de doute que la douce mélancolie du duo a imprégné l’imaginaire de la jeune Rosalie. On sent leur influence partout sur cet album, surtout au niveau des textes, qui ont été peaufinés avec l’aide de Stéphanie Boulay. Qu’à cela ne tienne, Ayotte a un univers musical bien à elle, empreint d’audace et de vaillance.

Tout au long de l’album, la jeune femme vacille entre les zones d’ombre et de lumière, au point où elles finissent par se confondre. Rosalie Ayotte s’attaque à des thèmes comme la relation mère-fille, la santé mentale, l’amour, la résilience et les petites épreuves du quotidien. Elle nous raconte les tempêtes qu’elle a traversées, mais les textes ont une portée universelle qui permet à quiconque de s’y identifier. Chaque chanson vient mettre un baume – pour ne pas dire un pansement – sur une blessure.

L’album s’ouvre avec Je ne serai plus, une pièce à saveur pop alternative inspirée par la vague de dénonciation engendrée par le mouvement #metoo. La mélodie entrainante donne envie de bouger, mais le propos, lui, ne pourrait être plus sérieux. Accompagnée d’un riff de guitare dynamique, Rosalie chante:

J’ai attendu longtemps que tu m’aimes comme il le faut
Convaincue mes amis, que t’es drôle, t’es fin, t’es beau
Aujourd’hui je réussis à te dire mon grand salaud
Moi, j’aimerais mieux mourir que tu retouches à ma peau

Je ne serai plus

En alliant un récit difficile à une mélodie dansante, Rosalie Ayotte met de l’avant les émotions contradictoires qui peuvent émaner d’une agression. Sa voix empreinte d’empathie est contrastée par la pulsion dynamique des synthétiseurs, un choix qui sera fait à plusieurs reprises sur l’opus.

Il est clair que la Sainte-Titienne sait bien s’entourer. Pour enregistrer Pansement, elle a pu compter sur le multi-instrumentiste Simon Pedneault, le batteur-percussionniste Pierre-Emmanuel Beaudoin et le claviériste Vincent Gagnon. Il arrive toutefois que les arrangements prennent toute la place, allant jusqu’à éclipser la voix d’Ayotte. C’est le cas dans Avant 10h, une chanson imagée qui s’intéresse à la vie des lève-tôt, et dans Elle est partie, une ballade aux accents électro. On sent que l’équipe explore un son plus pop-rock, à la Lou-Adriane Cassidy ou Ariane Roy. Sauf que Rosalie Ayotte est avant tout une autrice, et ses textes deviennent difficiles à décortiquer lorsqu’ils sont ensevelis sous tant de couches d’ornementations.

Le nouveau visage d’Audiogram est à son meilleur sur les pièces acoustiques de l’album. Tu as lâché l’école, un hommage touchant à son père, est présenté sur une trame de piano sobre. La pièce tout en finesse permet à la voix cristalline de l’artiste de briller. La même chose se passe dans Tu dis à tout le monde, le dernier morceau de l’album. L’absence des instruments percussifs permet la création d’un ton beaucoup plus intime, donnant l’impression que la jeune femme s’adresse directement à nous.

Si Rosalie Ayotte n’a pas encore tout à fait trouvé son identité sonore, elle maîtrise assurément sa plume. Ses textes sont solides, mais la production musicale de l’album ne colle pas toujours à ce qui est raconté. En voulant en mettre plein la galerie, l’artiste émergente a choisi de délaisser ses origines folk mélancoliques au profit d’un son plus à la mode. Ce faisant, elle dilue la singularité et l’authenticité qui caractérisaient ses premiers simples. Cela dit, sa capacité à exprimer des émotions complexes dans ses textes laisse entrevoir un avenir prometteur. Il ne fait pas de doute qu’avec le temps, l’artiste de 22 ans réussira à développer un son bien à elle qui s’harmonisera avec son style d’écriture affirmé.

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