Critiques

feu doux

Quatre climats habitables

  • Dare To Care Records
  • 2019
  • 37 minutes
6,5

À peine plus d’un an après avoir fait paraître un premier album, le duo feu doux est déjà de retour avec une deuxième offrande de musique ambient qui invite à la rêverie et à la solitude. Quatre climats habitables se décline en quatre pièces sur lesquelles Stéphane Lafleur (Avec pas d’casque) et Christophe Lamarche-Ledoux (Organ Mood, Chocolat) explorent le pouvoir des musiques sans rythme ni mélodie.

Pour quiconque est déjà familier avec le travail du duo, ce nouvel album réserve peu de surprises. En effet, feu doux poursuit ici dans la même veine que sur son disque éponyme paru l’an dernier en privilégiant les textures et les méditations sonores dans le but d’offrir une musique qui se fond dans le décor, idéale pour se concentrer sur un travail intellectuel ou même faire une sieste. Ma mère appelle ça de la « musique qui ne dérange pas ». Et ce n’est pas une insulte. En fait, c’est même l’objectif recherché, comme l’a expliqué Christophe Lamarche-Ledoux en entrevue avec Le Devoir l’an dernier, au moment où sortait le premier album du duo : « J’étais dans une dynamique où j’avais peur que les gens s’ennuient. Or, quelque part, c’est pourtant ça le but. Créer une musique qui n’exige pas ton attention, mais qui la caresse ».

Encore une fois, l’influence de Brian Eno et de Klaus Schulze est indéniable sur ce nouvel opus, qui s’ouvre sur la très délicate Le lac a gelé devant nous, qui fait office d’introduction pour nous permettre de s’acclimater à cette atmosphère contemplative. Les notes se superposent progressivement, mais sans qu’on n’y distingue de motif en particulier, créant l’impression d’une nappe sonore nous invitant à s’assoupir. Milieu humide offre quelques variations, avec cette fois des notes jouées au piano électrique. L’effet évoque presque la musique Nouvel-âge (peut-être trop), mais on comprend que ce côté très statique fait aussi partie de la proposition de feu doux.

La deuxième moitié de l’album débute avec la longue Translations, d’une durée de plus de 12 minutes, et dont les notes pulsées peuvent donner l’impression d’un corps qui respire lentement, comme si la musique avait elle aussi succombé à la tentation du sommeil. La dernière pièce, Vitesse Plante, est sans doute la plus intéressante. On y reconnaît un côté méditatif à la Vangelis, mais avec des harmonies plus prononcées grâce à des arpèges de claviers qui s’approchent d’une véritable mélodie. Le résultat est plus aérien, proche de certains passages planants que l’on peut entendre chez les Islandais Sigur Rós ou Amiina, par exemple. Mais ça reste encore un peu stagnant, comme si le duo voulait à tout prix éviter un quelconque soubresaut.

On ne critique pas la musique de feu doux comme on le ferait pour un disque de chansons. Le groupe ne cherche pas à créer quelque chose qui se distingue par ses variations d’intensité ou sa capacité à provoquer des émotions chez l’auditeur. Il y a quand même une réelle beauté qui se dégage de ces Quatre climats habitables, mais elle est parfois reléguée au second plan parce que l’accent est mis sur la langueur. Et même si l’ennui semble être une des visées du projet, on souhaiterait tout de même qu’une écoute active de l’album puisse générer un peu plus de plaisir.

Ce n’est pas d’hier que des artistes créent de la musique « fonctionnelle », censée accompagner une activité. J’ai en tête le diptyque Music to Draw To de Kid Koala, mais on pourrait aussi citer la musique dite « d’ameublement » d’Érik Satie. Quatre climats habitables de feu doux s’inscrit dans cette tradition, mais il y manque un petit quelque chose pour lui permettre de dépasser le stade de la musique décorative. Sauf qu’on ne peut pas reprocher au groupe de faire de la fausse publicité.

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