Ce n’était qu’une question de temps, je suppose, et c’est enfin arrivé en 2021: les deux plus influents bandleaders de la scène punk de San Diego des 25 dernières années ont uni leurs forces au sein du supergroupe PLOSIVS. Dans un coin, il y a Rob Crow, qu’on a d’abord entendu dans le groupe Heavy Vegetable et qui a depuis dirigé de nombreuses formations, en particulier Pinback, Optiganally Yours, Goblin Cock, Thingy et le projet solo Rob Crow’s Gloomy Place. Dans l’autre coin, John “Speedo” Reis, leader de Rocket From the Crypt, coleader de Drive Like Jehu et Hot Snakes, et dirigeant des disques Swami. Ces deux ont été si actifs, si collaboratifs et si géographiquement rapprochés qu’il est presque anormal qu’ils n’aient encore rien endisqué ensemble. 

(La formation est complétée par le batteur Atom Willard, qui a joué avec Speedo dans RFTC avant de devenir un batteur mercenaire omniprésent sur la scène punk-rock [Against Me!, Angels and Airwaves, The Offspring, Social Distortion, et on en passe], et par le bassiste Jordan Clark, qui a lui aussi fait partie d’une pelletée de groupes, aucun aussi marquant que ceux de ses collègues.)

Si on associe Rob Crow plus directement aux sensibilités douces de Pinback, il ne faut pas oublier son appétit pour le rock punché, voire carrément métal, dans certains de ses arrangements et de ses projets. Speedo est quant à lui considéré comme un maître du punk aux riffs incandescents, mais certains de ses projets ont été somme toute décontractés, empruntant souvent au surf-rock et au pop-rock. Leur collaboration aurait donc pu emprunter toutes sortes d’avenues, mais elle s’en tient plutôt aux forces communes du duo: les riffs énergiques et asymétriques menant à des refrains accrocheurs. Certaines pièces peuvent être décrites exactement comme ce à quoi on était en droit de s’attendre de l’album, soit faites de riffs à la Speedo appuyant des mélodies à la Rob Crow. 

La principale inquiétude que j’avais avec l’album était le temps et le soin que ses membres y consacreraient. Allait-on nous offrir des créations spontanées, inachevées, brouillon? Pas du tout, toutes les pièces sont soignées, ajustées au quart de tour, pleines d’harmonies, de jeux de guitares complémentaires et d’arrangements à la fois énergiques et légèrement déroutants. 

Le petit défaut qu’on peut trouver à l’album est le revers de sa force: c’est solide du début à la fin, mais c’est aussi sans grande variation d’une pièce à l’autre. Avec le talent qui se trouve à bord, PLOSIVS peut certainement prendre une forme plus variée et approfondie, et on verra en temps et lieu (le groupe a annoncé avoir commencé à enregistrer le prochain album). Pour l’instant, les fans de rock énergique, mélodique et réfléchi écouteront ce premier album d’un trait et à répétition.