Critiques

Ouri

Frame of a Fauna

  • Lighter Than Air
  • 2021
  • 48 minutes
7,5

La DJ, musicienne et chanteuse Ouri a commencé à faire des vagues sur la scène techno et rave à Montréal dès 2015 par des prestations et des compositions qui démontraient à la fois savoir-faire, assurance et vulnérabilité, une combinaison peu commune parmi ses pairs. La popularité sur le circuit des clubs n’est pas toujours un gage de longévité ou de profondeur, mais Ouri a entrepris une trajectoire prometteuse, orientée vers des zones qu’on n’imaginait pas avec ses premiers minialbums (Maze et Superficial).

C’est qu’Ouri n’est pas seulement habile avec l’échantillonneur et le laptop. La musicienne née en France, de son vrai nom Ourielle Auvé, est en fait une musicienne formée qui a passé son enfance et son adolescence à s’exprimer par le piano, la harpe et le violoncelle. Ce qu’Ouri avait offert jusqu’à cette année trahissait déjà une grande aisance pour les arrangements et les mélodies, même si ces idées étaient confinées à un format dansable et presque entièrement synthétique. Avec Frame of a Fauna, son premier album en bonne et due forme, la multi-instrumentiste continue de développer sa palette électronique tout en laissant entrer de nouvelles idées.

C’est bien la musique électronique qui demeure la priorité ici. Ouri sait s’y prendre et livre une version émotive et sensuelle du techno saveur dubstep avec de forts relents de nouveau R&B. Pensez Four Tet, Jamie xx, Nicolas Jaar et surtout Arca dans ses moments les plus accessibles (sa collaboration avec FKA Twigs, par exemple). Les pièces les plus immédiatement assimilables, comme High and Choking Pt. 1 et Chains, sont ce qu’on pourrait appeler des « bangers ». Ailleurs dans les deux premiers tiers de l’album, Ouri passe par divers niveaux d’intensité et d’exploration, pour des compositions qui ne sont pas toujours tout à fait abouties, mais tout de même plus soignées que ce qu’elle avait spontanément concocté avec Helena Deland pour le projet Hildegard, paru plus tôt cette année.

En dernier tiers de l’album, le ton change de façon marquée. La série de chansons qui vient clore l’album fait appel à la harpe et au violoncelle et arpente un territoire où les influences sont moins évidentes. L’instrumentation et l’ambiance changent, mais l’émotivité et la sensualité des compositions sont intactes, et les arrangements et progressions mélodiques surprennent par leur finesse.

Ces deux sections Frame of a Fauna ratissent donc large, mais il manque encore un fil conducteur plus clair ou une façon d’unifier ces forces. La musicienne a des compétences indéniables et diverses, mais j’ai l’impression qu’elle ne nous montre pas encore son plein potentiel. On salive à l’idée qu’un tel niveau puisse être atteint. Peut-on adopter une forme techno qui vise le dancefloor tout en y greffant des influences soul, classique et expérimentale d’une façon fluide, sans coq-à-l’âne? Si c’est faisable, Frame of a Fauna nous dit qu’Ouri est sur le point d’y arriver.

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