No Age
Snares Like a Haircut
- Drag City
- 2018
- 39 minutes
Je pensais ne jamais réentendre No Age, honnêtement. Leur plus récent album, An Object en 2013, sonnait comme quelque chose qui avait été difficile à composer et à produire, comme si le duo californien devait se fendre en quatre pour trouver une motivation, paralysé par la peur de se répéter. Le résultat était loin d’être mauvais, mais le labeur était palpable. J’avais la nette impression que No Age allait s’imposer des contraintes trop grandes pour arriver à continuer d’exister.
Le duo formé de Randy Randall et Dean Spunt a fait la plus longue pause de son existence après les tournées qui ont suivi An Object, pause pendant laquelle chacun d’eux a eu un enfant. Au lieu d’annoncer la fin, la paternité a laissé le groupe faire la part des choses. Il pouvait parcourir à nouveau des terrains connus sans que ça signifie forcément facilité ou nostalgie crasse, tant que les compositions sont potables. Et dans son cas, ces terrains connus sont le punk-rock énergique épuré et l’exploration sonore abstraite.
Il y a un côté bon enfant à Snares Like a Haircut qui fait du bien à entendre. Les pièces les plus enjouées et énergiques ne peuvent pas nier leurs ascendants hardcore et punk des années 80, livrés avec entrain et une petite affectation naïve somme toute charmante. Côté bruyant abstrait, c’est là que la maturité du duo est devenue la plus évidente. Même si un échantillon ici et là ressemble énormément à ce que le groupe a fait par le passé (notamment dans le premier extrait, Soft Collar Fad), No Age met le doigt sur des bruits de fond qui rehaussent nettement l’ensemble (comme dans Send Me) et compose quelques moments de pur bruit qui s’élèvent parmi ce que le groupe a fait de mieux jusqu’à présent (la pièce-titre).
Peut-être que l’attrait de No Age est multiplié pour quelqu’un dans ma situation, partageant leurs influences et certaines de leurs expériences personnelles, mais j’ose croire que Snares Like a Haircut arrive à exprimer quelque chose d’universel. Tout le monde est le produit de son environnement, personne ne peut totalement se réinventer, les courants passent tant pour la musique que pour les coupes de cheveux (d’où le titre de l’album), mais l’expression individuelle, qu’elle semble démodée ou non, qu’on en soit la source ou le récepteur, reste un excellent moyen de s’agiter contre un monde souvent incompréhensible.