En musique, je me méfie toujours de la virtuosité. Pourquoi? Parce que ce genre d’instrumentistes qui préfèrent l’esbroufe à l’efficacité et qui refusent de se mettre au service d’une chanson font preuve d’une prétention imbuvable, mais il existe quand même quelques exceptions. Et Nels Cline en est une. Ce grand guitariste et compositeur a passé la majeure partie de sa carrière à explorer une panoplie de genres musicaux, du jazz au punk, en passant par la musique expérimentale. L’homme est surtout reconnu pour son apport à la musique de Wilco; groupe mené par Jeff Tweedy qui était déjà excellent et qui est passé à la vitesse supérieure dès l’arrivée de Cline.

Le surdoué détient un paquet d’albums à son actif que ce soit en mode solo, trio, quatuor ou encore avec son Nels Cline Singers. La semaine dernière, Cline nous proposait Lovers; un album double de jazz instrumental. Entouré d’un orchestre de 23 musiciens dirigé par un autre multi-instrumentiste de talent, Michael Leonhart, Cline nous offre une création très accessible. J’ai même été quelque peu désarçonné d’entendre le musicien dans un enduisage sonore aussi ambitieux et consensuel… mais ça marche drôlement bien!

Normalement, le jeu de Cline, frénétique et nerveux, est bourré de dissonances et de larsens. Disons qu’il adore écorcher les oreilles plutôt que les caresser. Malgré tout, Cline réussit à nous ébouriffer juste assez pour nous captiver. Pas aussi inventifs que la plupart de ses projets, il n’en demeure pas moins que c’est un immense privilège que d’entendre Cline dans un format aussi «propre».

Et la réalisation est remarquable. Et c’est ce qui fait que ce disque est aussi intéressant. Le son d’ensemble permet d’entendre à la perfection toutes les subtilités dans le jeu de Cline. La maîtrise technique et la fluidité du musicien sont propulsées à l’avant-plan grâce à cette prise de son limpide et cristalline. Un bémol? La durée de ce disque qui avoisine les 90 minutes. Même si Cline s’efforce cette fois-ci pour être intelligible, ce Lovers demande un important investissement d’écoute.

Par contre, si vous avez un rendez-vous romantique à l’agenda avec un ou une mélomane ouverte d’esprit, vous vous assurerez de «scorer» si vous faites jouer cet album. Lovers est un disque romantique parfait et d’une pertinence sans équivoque. Après quelques bons verres de vin derrière la cravate, les vêtements pourraient bien devenir superflus…

Évidemment, les moments dits «champ gauche» m’ont particulièrement plu. Je pense entre autres à l’improvisation aux accents psychédéliques titrée Lady Gabor et les intermèdes inharmonieux dans The Night Porter/Max, mon amour. Pour ce qui du reste, ce Lovers sera un must pour votre soirée sensuelle à venir.

Plus sérieusement, Lovers est l’album idéal pour entrer en relation avec Nels Cline. Si vous ne connaissez pas le bonhomme, empressez-vous de prêter l’oreille à ce nouvel opus. Aucun regret à l’horizon. Pour ceux qui vénèrent Cline comme moi, eh bien, il n’y a rien à craindre. Vous découvrirez une nouvelle facette de l’immense talent du guitariste.

Ma note: 8/10

Nels Cline
Lovers
Blue Note Records
91 minutes

http://www.nelscline.com/