Muse
Will of the People
- Warner Bros. Records
- 2022
- 38 minutes
Plus gros, plus grand, plus fort, plus toute… Quatre ans après le tonitruant Simulation Theory, le power trio britannique Muse est de retour avec son neuvième album studio Will of the People, un ramassis de clins d’œil à ses disques précédents qui fait parfois rire, parfois sourire, mais qui tombe surtout à plat. Après 25 ans de carrière, le fait que le groupe en soit rendu à s’autoplagier est franchement désolant.
En 2018, j’ai reçu une volée (virtuelle) de bois vert de la part d’inconditionnels de Muse après avoir pondu une critique assassine de Simulation Theory. Sans chercher à atténuer la portée de ce que j’ai écrit à l’époque, je peux tout de même apprécier aujourd’hui le fait que cet album avait au moins le mérite de ne pas trop se prendre au sérieux, avec ses références appuyées au cinéma des années 80 et à la littérature de science-fiction. D’ailleurs, les seuls morceaux potables du nouveau Will of the People sont ceux où le groupe beurre tellement épais que ça en devient drôle.
Ce n’est pas un hasard si ce nouvel album du trio composé du guitariste-chanteur Matt Bellamy, du bassiste Chris Wolstenholme et du batteur Dominic Howard donne des airs de déjà-entendu. Dans une entrevue récente, Bellamy a présenté Will of the People comme « un album de grands succès – mais avec de nouvelles chansons ». Je ne sais pas si l’objectif était de faire un cadeau aux fans de longue date. Muse compte sur une armée de fidèles supporteurs, et je ne doute pas qu’ils/elles y trouveront leur compte. Mais soyons clairs : il n’y a absolument rien ici qui arrive même à la cheville d’Origin of Symmetry, Absolution ou de Black Holes and Revelations.
On me dira que je ne devrais pas juger Will of the People à la lumière des meilleurs albums de la formation. Je veux bien, mais quand Muse décide de faire dans l’auto-caricature, le choix s’impose de lui-même. Et « caricature » est le bon terme. En effet, Bellamy et ses amis nous offrent ici un éventail des styles ayant marqué leur carrière (l’alternatif à tendance emo, le néo-prog, l’électro-rock d’aréna) mais avec les traits grossis, comme un dessin qui exagère nos défauts pour s’en moquer.
Encore une fois, Muse enrobe ses chansons d’un vague concept dystopique censé donner une cohérence à l’album. Ça démarre avec la pièce-titre, qui rappelle Uprising de l’album The Resistance (2009) autant par sa rythmique que son texte sur l’idée d’un soulèvement populaire. C’est très racoleur, avec des chœurs assourdissants et un riff à la Black Keys, mais ça demeure une des chansons les moins fades du lot, même si le refrain semble provenir de Beautiful People de Marilyn Manson.
Ailleurs, on a droit à un ramassis de clichés musicaux qui font immanquablement penser à autre chose. Il y a l’opératique Liberation, sur laquelle Muse nous refait le coup d’une chanson à la Bohemian Rhapsody, ou l’insupportable Won’t Stand Down, qui relève le défi de sonner à la fois comme du Imagine Dragons et Dream Theater. La ballade sentimentale Ghosts (How Can I Move On) passe encore, mais la pseudo-épique Euphoria est un fouillis total, avec des références à Donna Summer et au pop-punk du début des années 2000. Pour les nostalgiques, il y a aussi la quasi-metal Kill or Be Killed, qui rappelle Assassin sur Black Holes and Revelations.
Étonnamment, la meilleure chanson de Will of the People est aussi la plus over-the-top. Évoquant une esthétique théâtrale à la Thriller de Michael Jackson, avec même une citation de la Toccate et fugue de Jean-Sébastien Bach, You Make Me Feel Like It’s Halloween est un délirant plaisir coupable, comme un film d’action à la Fast and the Furious qu’on dévore avec un gros sac de pop-corn chez Guzzo.
Muse peut se compter chanceux d’avoir lancé l’infâme Drones en 2015. En effet, on doute que le trio puisse redescendre aussi bas un jour. Will of the People ne vole pas beaucoup plus haut, mais il a au moins l’avantage de faire sourire…