Critiques

Hugo Mudie

Bad Vibrations

  • Music Mansion Records
  • 2023
  • 39 minutes
8
Le meilleur de lca

Hugo Mudie n’a plus besoin d’être présenté aux mélomanes d’ici. Musicien (The Sainte Catherines, Yesterday’s Ring, FRVITS, Miracles, etc.), poète, peintre et co-fondateur du Pouzza Fest, l’artiste est une des figures les plus respectées de la scène underground du Québec. Après son très bon premier album solo Cordoba en 2017 et son éclectique suite Concerta Fantasio en 2020, il signe aujourd’hui la fin de cette trilogie symbolique avec Bad Vibrations, peut-être son album le plus intéressant en carrière.

Co-réalisé par Adrian Popovich et Karl Houde, ce nouveau disque fait, encore une fois, la place belle à la passion de Mudie pour la musique au sens large. Entre électro, rock, punk et pop, ces dix pièces agissent comme une sorte de somme de sa carrière. Même chose au niveau des thématiques qui couvrent plusieurs thèmes que les fans auront croisés dans les autres projets du chanteur et dans son recueil Les regarder glisser leurs pieds dans le carré de sable. Ça parle du sentiment de marginalité, de la peur du cynisme, de la nostalgie et de l’idiotie souvent cute de la jeunesse. On sent un artiste mature qui porte un regard sur son univers tout en se forçant à ne pas tomber dans la platitude ou le cliché.

Les deux pièces Le fuck you dans mes yeux et Alien 2 démarrent le disque sur les chapeaux de roue en proposant le rock aux accents punk auquel le chanteur nous a habitués dans ses premiers groupes. C’est Karl Houde (guitares, claviers), Francis Mineau (basse) et Julien Blais (batterie) qui s’occupent d’accompagner sur tout l’album et ils font un très bon travail. On entend Weezer et The Strokes qui se mélangent à des textes ironiques et touchants.

Toute la volonté du monde ne peut rien contre les idées et les jokes.

Je suis puni par les norms pour ne pas avoir vieilli comme il faut.

– Le fuck you dans mes yeux

Alien 2, qui fait suite à la chanson éponyme du précédent disque, est carrément une chanson d’amour pop-rock sur un extra-terrestre qui tombe pour une terrienne. On rit par moments comme sur Matt Freeman et sa description d’une discussion malaisante sur le virtuose bassiste de Rancid et sur Guits Grunge avec le second degré des couplets où Mudie s’autoparodie. Mention spéciale aux interventions parlées qui ponctuent l’album et qui passent de personnalités radios aux proches du chanteur en passant par une archive de curé un peu étrange. Mention également à la pièce Goût Goût Dolls avec Guillaume Beauregard qui sous son couvert un peu comique touche à quelque chose de vraiment profond sur la vacuité des soirées d’excès qui ne mènent nulle part.

Une autre dure année à me demander

Si j’continue à chanter ou si j’fais juste dessiner

Si je deviens enfin gentil pour me faire plus aimer

Par les étoiles de la scène locale

– Guits Grunge

Cela dit, c’est dans les moments plus doux que l’album passe du très bon au génial. Sur Le secret des dieux et sur Diana, Mudie nous offre des moments d’une belle intériorité. Réfléchissant sur sa carrière et sur sa vision qu’il a de lui-même à ce stade, la première vient clore un thème qui traverse l’album à merveille de manière totalement explicite. La seconde, où le chanteur se met dans la peau de la princesse, vient montrer une toute nouvelle facette de sa personnalité en laissant voir comment pourrait peut-être évoluer la suite de sa carrière solo. Des paroles plus énigmatiques, une volonté politique et mélodique plus assumée et peu de considérations pour les codes de musique pop ou punk plus classiques.

Un autobus s’envole dans le ciel

Le banc voisin qui se décolle

Des crânes et des cuisses dans mon lit

M’empêchent de dormir toute la nuit.

– Diana

Bref un grand disque qui arrive à un bon moment dans la carrière d’un artiste qui mérite qu’on s’attarde à lui pour plus qu’une plate nostalgie punk des années 2000 (même si ça fait du bien de temps en temps). Si des gens en doutaient encore, Mudie montre qu’il a tout pour que sa musique passe à la postérité.