Critiques

Machinedrum

A View of You

  • Ninja Tune Records
  • 2020
  • 40 minutes
7

Machinedrum est le projet du beatmaker de la Caroline du Nord, Travis Stewart. Il continue de s’aventurer un peu plus loin dans ses explorations pop et EDM sur ce neuvième album en carrière : A View of You. Reconnu pour sa revisitation au goût du jour du jungle et du drum & bass des années 90, mais aussi pour un dubstep assez loin de celui de Skrillex, Stewart mise ici sur d’autres horizons.

Sans se dénaturer, il varie toutefois ses influences avec brio aux côtés d’artistes on ne peut plus variés. Passant d’un featuring soft-house naïf évoquant Oneohtrix Point Never avec Chrome Sparks, à un banger rap aux côtés de Freddie Gibbs ou une ballade R&B bercée par la voix de Rochelle Jordan, Stewart explore le tout sans heurts. Parlant de Freddie Gibbs, le rappeur américain vient encore une fois prouver qu’il est dans une classe à part, pour ceux qui en doutaient encore. Sur Kane Train, il réussit à nous offrir un flow technique et rapide sans sacrifier son groove caractéristique.

De façon assez impressionnante, les transitions entre les morceaux sont généralement fluides malgré les digressions stylistiques. Un peu comme dans un DJ set, l’auditeur recherche une certaine continuité et l’ordre des chansons n’en devient que plus important. Et c’est là que le bât blesse dans le cas qui nous intéresse.

Certains morceaux manquent un peu trop de mordant. Sur la très progressive 1000 Miles, on doit attendre plus d’une minute avant que les percussions jungle se fassent réellement entendre, et on les aurait tout de même pris plus intenses. Dans la même idée, Ur2yung est une assez bonne piste, mais l’utiliser pour conclure l’album est une erreur à mon avis. C’est dommage parce que plus on approche de la fin de l’album, plus on a l’impression que Stewart s’est essoufflé lui-même. Surtout après un début en force grâce aux quatre premiers morceaux! C’est assez surprenant considérant que ce rythme, cette construction d’album, était l’une des principales forces de Human Energy, sa sortie précédente. 

Tout n’est pas noir, cela dit, alors que l’album nous réserve tout de même quelques belles pépites. Citons Kane Train bien évidemment, mais aussi The Relic, qui ouvre très bien le bal ainsi que I Believe In U et Inner Eye, avec leurs rythmiques complexes. Habitué au travail en solo, Stewart semble de plus en plus se plaire à accompagner d’autres musiciens et les mettre en valeur.

Au final, si les talents de beatmaker de Machinedrum ne sont aucunement remis en question, ceux-ci soulignés par la belle versatilité témoignée ici, on reste tout de même un peu sur notre faim. Malgré les quarante minutes de durée de l’album, j’aurais personnellement aimé un produit légèrement plus exigeant, à la Iglooghost par exemple, question de ne pas oublier qu’on écoute du drum & bass d’abord et avant tout. Il y a dans cette volonté de créer une musique plus accessible une force, mais il ne faut toutefois pas sacrifier le contenu dans cette visée.

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