Critiques

Labelle

Éclat

  • Infiné Musique
  • 2022
  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

Labelle, Jeremy de son prénom, est un compositeur français / réunionnais qui crée son propre mélange musical depuis une dizaine d’années, en croisant ses racines africaines avec les musiques électronique et occidentale. C’est ce que l’on découvre dans Ensemble (2013), premier album qui réunit des sonorités de l’océan Indien rassemblées et montées intuitivement dans des séquences numériques. Univers-île (2017) a agrandi le territoire en faisant le tour de l’île de la Réunion pour enregistrer des collaborations avec des chanteurs et musiciens actifs dans le jazz et la world music réunionnais. Orchestre univers (2019) a élégamment fait suite en collaborant avec l’Orchestre régional de l’Île de la Réunion, une occasion de faire rencontrer le langage classique occidental avec celui de l’île africaine.

L’exploration se poursuit sur son quatrième album, Éclat, sorti à la mi-janvier, bien qu’enregistré en deux temps entre 2019 et 2020, dont la sortie était initialement prévue pour l’automne 2020. C’est finalement à l’automne 2021 que le label français InFiné nous a partagé le premier extrait de l’album, la pièce titre éclat!, en version live avec un quatuor à cordes réunionnais.

On retrouve donc Labelle au milieu de la formation qui démarre la pièce titre sur une séquence électronique qui se renouvelle en boucle, servant de respiration de référence aux glissandos joués aux cordes. Le mouvement met en valeur la partie rythmique lorsque ceux-ci sont raccourcis en notes courtes, et revient à un joli équilibre en séparant le thème en deux duos. Labelle vient compléter celui-ci en accentuant d’abord les basses et en créant ensuite une trame réverbérée qui vient tout envelopper en une finale aérienne.

La pièce représente bien l’influence occidentale sur l’album, avec le quartet placé à l’avant en formule musique de chambre, dirigé ou accompagné par Labelle selon le passage. On retrouve ce dosage sur élude, Spirit of a far history et Sleep sweet mbira, qui prenne chacune le soin d’explorer les différents contrastes entre le glissando étiré en filament et le pizzicato pincé en percussion.

Néanmoins, ce sont les pièces dont l’influence réunionnaise est placée à l’avant qui se démarquent davantage, sans doute parce qu’elles sortent du moule pour aller visiter un territoire non répertorié, n’en déplaise aux puristes. On se rapproche ainsi de la musique maloya et du créole réunionnais, qui font vibrer les cordes en s’inspirant du battement de cœur de la terre, avec un sens du rythme et de la répétition qui créent ensemble un effet de transe.

Triangle est possiblement la meilleure hybridation de l’album, en ouvrant d’abord sur un thème un peu mélancolique, qui prend de la vitesse lorsque qu’un des violons passe en mode fiddle. Cet effet d’entraînement est doublé par un marimba, qui sera progressivement remplacé par la séquence électronique arpégée de Labelle. Un délice auditif qui se renouvelle de façon plus coupée serrée sur Est Afri Auro Pa, et qui s’étend dans l’ombre sur giant. Il y a finalement les quatre pièces Mes mondes, Dann ron maloya, RON et Aller au bout qui nous transportent dans quatre atmosphères différentes d’une journée de fête traditionnelle réunionnaise.

C’est dans cet esprit que Labelle nous fait voyager à nouveau sur Éclat, en créant des lieux et des moments hybrides, un peu comme sur les trois albums précédents. Rendu à celui-ci, on remarque l’expérience acquise sur le précédent et un savoir-faire qui rend le côté numérique presque invisible. Tout cela doublé par une qualité de production qui laisse le côté organique respirer, comme un quatuor à cordes l’aurait fait.

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