Critiques

Kurt Vile

(watch my moves)

  • Verve Records
  • 2022
  • 74 minutes
7,5

Kurt Vile a crée deux albums de premier plan: Smoke Ring for My Halo (2011) et Wakin’ on a Pretty Daze (2013). Encore aujourd’hui, ce dernier est considéré par plusieurs comme étant le disque le plus significatif de sa carrière. Sur ce long format réalisé par John Agnello, la répétitivité compositionnelle de Vile était habilement camouflée par l’apport créatif du réalisateur. En plus d’avoir conservé intact le côté « relâché » de l’artiste, Agnello avait alors eu l’intelligence d’enrober les chansons du Philadelphien d’origine dans des superpositions de guitares et de claviers inspirées par la pop rêveuse et le shoegaze.

Sur Believe I’m Going Down… (2015) et Bottle It In (2018), Vile a préconisé une approche plus directe. Sans que ce soit de mauvais disques, tant s’en faut, le charme de l’artiste s’est quelque peu étiolé et, par le fait même, notre intérêt pour sa musique s’est passablement amoindri. La musique de Kurt Vile est intemporelle et, pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut porter attention aux subtils changements qu’il y apporte, même si l’auteur de ces lignes n’y voit parfois que du feu… mais pas question d’abandonner le sympathique auteur-compositeur !

La semaine dernière, il était de retour avec un huitième album en carrière intitulé (watch my moves), un long format réalisé par le musicien lui-même. Au cours des deux dernières années, pour les raisons que l’on connaît, l’auteur-compositeur est demeuré cloîtré chez lui à écouter beaucoup de musique en souhaitant ainsi modifier ses habitudes créatives. Au début de la pandémie, Vile était, semble-t-il, au bout du rouleau. Cette fatigue mentale et physique l’a forcé à ralentir et à réfléchir.

C’est dans ce contexte qu’il nous présente un (watch my moves) ambiant, délicatement mélancolique, et recelant juste assez de modifications dans ses tics compositionnels pour nous garder captifs pendant plus de soixante minutes. Dès le début, avec Going on a Plane Today, il nous propose une chanson pianistique dépouillée évoquant le Lou Reed de l’album Transformer. Dans Mount Airy Hill (Way Gone) et Cool Water, le jeune quarantenaire plonge l’auditeur dans le folk country contemplatif. Avec la conclusive Stuffed Leopard, Vile nous ramène encore à Lou Reed, mais celui de l’album Coney Island Baby.

Les deux pièces de résistance de cette nouvelle production sont sans aucun doute Like Exlploding Stones et Fo Sho. Dans la première, Vile exprime pour une rare fois son état psychologique chancelant, particulièrement celui qui a prévalu au cours des deux dernières années :

Pain ricochetin’ in my brain like exploding stones
Thoughts runnin’ round in my cranium like pinball machine-a-mania
Dreamin’ of a time when everything rhymed and I was cool, calm, and collected
And all my heroes dropped by just to hear me play

– Like Exploding Stones

Dans Fo Sho, impossible de résister à cette sorte de sincérité/résilience exprimée par l’artiste :

Even if I’m wrong

Gonna sing-a-my song

‘Til the ass crack o’dawn

And it’s prolly gonna be a long song

– Fo Sho

Si son ex-complice, Adam Granduciel (The War on Drugs), trempe son rock épique dans une réalisation hautement ciselée, Vile est son antithèse, préférant la discrétion et la subtilité. Sans atteindre les standards des créations susmentionnées ci-dessus, (watch my moves) concrétise subtilement les efforts consentis par le musicien afin de modifier son approche chansonnière.

Ce disque ne désarçonnera aucunement les fans de Vile, mais grâce à ces petits virages inattendus qu’on entend tout au long de l’album, l’Américain crédibilise sa place dans l’univers indie rock états-unien. Un album mélancolique parfait à écouter par un dimanche matin pluvieux.

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