Critiques

Kurt Vile

Bottle It In

  • Matador Records
  • 2018
  • 79 minutes
6,5

« You never know when your heart is gonna break »

 -Bottle It In

On ne s’en cache pas. On aime bien Kurt Vile. Le folk-rock hypnotique qu’il crée, l’attitude de « slacker » sans prétention, tout nous plaît chez le bonhomme. En 2011, Smoke Ring For My Halo avait sérieusement capté notre attention, mais c’est surtout Wakin on a Pretty Daze (2013) qui nous avait bouleversés. Réalisé par le réputé John Agnello, cet album est assurément le meilleur de la carrière de Vile, du moins le plus cohérent.

Ce qui nous a toujours plu chez l’Américain, c’est que malgré ses faiblesses mélodiques évidentes (le gars déclame plus qu’il ne chante), il a toujours su enrober ses chansons avec soin. Sur B’lieve I’m Going Down (2015), la réalisation dite « haute fidélité », plus cartésienne que les précédentes, nous avait quelque peu laissés sur notre appétit. C’est quand Vile ajoute un peu de boucane dans ses chansons qu’il est intéressant.

Voilà que Kurt Vile nous revient avec un 7e album intitulé Bottle It In. Après l’excellent intermède conçu avec Courtney Barnett et paru l’an dernier (Lotta Sea Lice), est-ce que notre homme nous plonge de nouveau dans ces sonorités « poteuses » dont lui seul a le secret ? Pas tout à fait…

Bottle It In est un disque inspiré par la fuite, les voyages et les incessants déplacements, si caractéristiques de la vie de tournée. Vile a enregistré son album aux quatre coins des États-Unis se faisant aider par quelques réalisateurs de renom : Rob Schnapf (Elliott Smith, The Vines), Shawn Everett (un proche de la formation The War on Drugs) et Peter Katis (Interpol, The National), entre autres. De plus, Vile a rameuté quelques importantes pointures du rock américain afin de l’escorter dans cette nouvelle aventure : Cass McCombs, Stella Mozagawa (batteuse de Warpaint) et Kim Gordon (Sonic Youth) !

D’entrée de jeu, plusieurs chansons valent le détour : le premier extrait Loading Zones, l’épopée vaporeuse Bassackwards, l’ensoleillée One Trick Ponies et le subtil crescendo, assez rock par ailleurs, qui caractérise Check Baby.

Mais voilà, Kurt Vile, semble-t-il, n’a pas fait le tri entre ses bons et mauvais coups. On se retrouve donc devant plusieurs chansons faisant office de remplissage. Le principal défaut de ces pièces, c’est qu’elles sont pour la plupart construites sur trois accords répétés ad nauseam, et ce, sans aucun apport orchestral valable qui viendrait camoufler la linéarité de ces morceaux.

Et pourquoi Vile s’acharne-t-il à ne pas complexifier l’architecture de ses chansons ? La réponse du musicien : « Ça toujours été l’une de mes manières de faire et ce n’est jamais conscient au début. C’est juste qu’en explorant une composition, je suis surpris à quelle vitesse elle peut atteindre une longue durée ».

À elles seules, Bassackwards, Check Bay, Skinny Mini et Bottle It In comblent un total de 40 minutes d’un album qui en dure 80. Deux de ces chansons sont captivantes (Bassackwards et Check Baby), mais Skinny Mini et Bottle It In sont carrément inutiles. La reprise de Rollin With The Flow de Charlie Rich se classe elle aussi dans la catégorie « futilité ».

Encore une fois, on insiste, on aime beaucoup Kurt Vile. Mais sans un réalisateur de premier plan pour le guider vers une direction artistique cohérente, pour orchestrer ses chansons d’une manière plus dynamique ou tout simplement pour secouer sa créativité, les carences du compositeur prennent le dessus.

Alors ce Bottle It In ? Correct, sans plus.

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