Critiques

Korn

The Nothing

  • Elektra / Roadrunner Records
  • 2019
  • 44 minutes
7

Korn est très loin du déclin. Depuis l’album homonyme du groupe, il s’est écoulé 25 ans… Difficile à croire. Leur treizième album, The Nothing, lancé le vendredi 13 septembre dernier (malédiction ou porte-bonheur?), prouve que Korn a encore sa place dans le milieu métallique. Aux dires de Jonathan Davis, cet opus parle d’équilibre spirituel, de l’origine de toute chose, et de ces endroits d’où proviennent les différentes énergies qui nous animent… Des sujets assez ésotériques, somme toute.

The End Begins. Voilà qui commence bien. Le disque s’ouvre avec des notes de cornemuse, mettant les racines écossaises du chanteur à l’avant-plan, tout comme dans Dead de Issues (on pourrait presque l’entendre chanter All I want in life is to be happy…), ou encore Shoots And Ladders de l’album homonyme. Puis Davis éclate (déjà?) en pleurs, comme pour faire une sorte de petite «suite logique» à Daddy, située à la fin de leur premier album et où il avait vraiment pété sa coche, en bon québécois. Il en remet, dans la même lignée, avec la chanson Cold. Est-ce nécessaire?

You’ll Never Find Me, le premier simple, a été mis en ligne le 26 juin dernier. Le clip est venu un peu plus tard, en juillet, présentant un Davis toujours bel et bien aux commandes, indétrônable, avec son pied de micro iconique de «femme-alien», conçu par H.R. Giger. Les mélodies vocales sont recherchées tout au long de l’album, comme sur Gravity Of Discomfort, et aussi particulièrement sur This Loss, où il démontre ses prouesses vocales sur un bout presque blues (!). Sa voix ne semble toutefois pas très naturelle lors des screams, comme s’ils étaient un peu forcés… Mais sa puissance est encore définitivement là, et par ailleurs ses murmures et chuchotements donnent toujours des frissons. Il n’utilise jamais son falsetto sauf sur This Loss, ce qui est vraiment, vraiment dommage. Autre élément en défaveur de l’album: la basse qui se fait très discrète, à part dans une seule chanson, Gravity Of Discomfort. On aurait aimé avoir plus de ces deux éléments.

Mais le reste compense. The Darkness is Revealing arrive comme une brique dans le pare-brise d’une voiture, empruntant des sonorités chères au groupe. Les sons utilisés par le guitariste Head en particulier ramènent aux puissants Life is Peachy et Paradigm Shift. On reconnaît aussi l’essence du groupe sur l’éclectique Idiosyncrasy, où un riff minimaliste et crasseux semble presque inspiré du death metal. Finally Free, avec ses superbes effets ambiants, est aussi un bon exemple de ce qu’est «le son Korn», avec ces refrains uniques et reconnaissables entre mille, qui ont laissé leur marque à travers le temps. Aussi, la très émotive et accrocheuse The Ringmaster aurait pu être un simple, car elle définit très bien où le groupe est rendu. Davis ressort un scat/boom-box occasionnel dans celle-ci, comme un spectre de Twist. Ce voyage à travers des émotions noires, périple guidé par les grands maîtres de la tristesse, se conclut sur la voix tremblotante et un soupir à fendre l’âme du chanteur encore très tourmenté.

Korn convient toujours parfaitement aux âmes aimant se draper de tissus sonores foncés, consommant les sons comme des bouteilles d’angoisse et de colère concentrées, où subsiste pourtant une étincelle. Bref, peut-être que les vétérans du nu métal ne ressortiront pas d’album gigantesque comme Issues ou Follow the Leader, mais ils possèdent l’équilibre très fin de ceux qui savent se renouveler en conservant leur son intact.