Critiques

King Tuff

Smalltown Stardust

  • Sub Pop Records
  • 2023
  • 39 minutes
7,5

Kyle Thomas, alias King Tuff, roule sa bosse dans cette impitoyable industrie du disque depuis 2006. L’Américain a produit officiellement quatre albums studio, tous distribués par l’écurie Sub Pop. Depuis ce temps, le rockeur nous a habitués à des albums assez abrasifs dont les potables Black Moon Spell (2014) et The Other (2018). Mais c’est l’opus éponyme paru en 2012 qui avait réellement conquis l’auteur de ces lignes.

Thomas est de retour après cinq d’absence avec un nouvel album judicieusement intitulé Smalltown Stardust. Si la pandémie a eu raison du rythme de production habituel du musicien, l’humain, lui, avait plus que jamais envie de se retirer pour mieux réfléchir au contenu de ses prochaines créations. Habitant en Californie depuis de nombreuses années, l’artiste originaire Brattleboro — petit bled situé dans l’état du Vermont — en a profité pour revisiter son patelin, plongeant ainsi dans ses souvenirs et renouant avec les paysages bucoliques vermontois.

Enregistré à Los Angeles avec l’aide de ses deux colocataires — Meg Duffy de la formation Hand Habits et l’autrice-compositrice SASAMI —, King Tuff nous présente le fruit de son introspection nostalgique. Fait important à noter, l’apport de SASAMI au processus créatif de ce nouvel album est d’une importance capitale; elle qui a participé activement à la réalisation et contribué à l’écriture chansonnière, en plus de prêter sa voix sur certains morceaux.

Musicalement, Thomas se transforme complètement, délaissant le rock pur et dur au profit d’un son remémorant celui de Crosby, Stills, Nash & Young, sans perdre l’influence coutumière de Marc Bolan (T.Rex). Plus sophistiquées, épurées et apaisées, les nouvelles pièces offertes par King Tuff ébranleront les fans de la première heure. Qu’on soit d’accord ou non avec cette nouvelle direction sonore, on doit saluer la prise de risque de l’artiste.

En plus de se retremper dans ses origines, Thomas conjugue nature et spiritualité de belle manière. Les images de blizzard, de montagnes et de nuages se succèdent sans verser dans une poésie convenue et pantouflarde. La pièce-titre est une habile description de l’Interstate 91 qui traverse les états du Connecticut, du Massachusetts et du Vermont. Bandits Of Blue Sky revisite les vieux amis qui trinquaient dans certains débits de boisson douteux. Always Find est une lettre d’amour à la Rock River, un long confluent que l’artiste a fréquenté tout au long de sa jeunesse. Dans l’intermède titré A Meditation, on entend un vieil enregistrement de Thomas, alors âgé de 8 ans, s’exercer à la… méditation!

Parmi les autres bons moments de cette métamorphose musicale, on note le rock orchestral « à la Flaming Lips » entendu dans l’introductive Love Letters To Plants. Pebbles In A Stream remémore quelque peu le folk de chambre de Nick Drake. L’émouvante The Wheel, pièce qui conclut avec lucidité ce Smalltown Stardust, pose un regard empathique sur cette éternelle suite d’absurdités qui animent nos existences :

Ooh, we were just kids then…

Caught up in the turning of the wheel…

And it’s coming ‘round again

– The Wheel

Avec son cinquième album en carrière, King Tuff a probablement déniché une prometteuse voie à suivre qui pourrait le hisser à un niveau créatif supérieur. Ceux qui aimaient Kyle Thomas en mode grinçant devront s’y faire et les autres qui hésitaient à le côtoyer découvriront une facette insoupçonnée, mais très intéressante, de ce talentueux songwriter.

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