Jimmy Hunt lance aujourd’hui pas un, mais bien deux albums. Et bien qu’il explique que ce sont deux albums différents, ils sont intimement liés. Petite histoire de la genèse de la création des deux : Jimmy Hunt habite à Maria en Gaspésie depuis quelques années. Il décide d’écrire un nouvel album en faisant des jams avec Pierre Guy Blanchard. Je cite le communiqué de presse : « la paire se retrouve dans le sous-sol de la maison de Pierre Guy, où ils se lancent dans des sessions de jam et de discussions musicales intenses, munis de bières et d’acide. » ( je ne veux pas qu’on m’accuse d’avoir dévoilé le pot aux roses si la GRC débarque chez Blanchard… ) Puis, le temps avance, le projet se retrouve sur le réchaud, Blanchard tombe en congé de paternité et Jimmy Hunt veut sortir les tounes. Il contacte donc les musiciens qui ont collaboré sur Le Silence pour enregistrer de nouvelles versions des pièces sous le titre Royaume. Des mois plus tard, quand il revisite les enregistrements de Gros Bec, il se rend compte qu’il aime trop ça pour ne pas publier aussi ces versions. Et bam, deux albums voient le jour.

Il y a donc deux versions d’un même album, ou presque, une sur l’acide et un peu chaudaille avec Pierre Guy Blanchard et une deuxième (possiblement?) sobre avec Steeven Chouinard (Le Couleur) à la prise de son et la programmation, Patrick Gosselin (Le Couleur) aux claviers, José Major à la batterie, Maxime Castellon à la basse et les deux albums sont mixés par Pascal Shefteshy.

Mais bon… tout ça est bien beau, mais les chansons, elles? Commençons avec la pièce qui a été utilisée pour les deux courts vidéos qui annonçaient Gros Bec et Royaume. Idiot Fall, la version Gros Bec est une pièce de rock psychédélique qui s’étire sur plus de huit minutes. Il y a quelque chose d’un peu hypnotisant à la mélodie vocale que prend Jimmy Hunt et les claviers sont intéressants. La version beaucoup plus ramassée, Idiot sur Royaume, est de son côté franchement belle et rend plus justice au texte de Hunt qui exprime ici le sentiment d’étrangeté de l’artiste face à la société. C’est ce qui se dégage de cette comparaison à l’idiot du village. On pourrait tracer un parallèle Un trou dans les nuages de Michel Rivard sans avoir à faire la split. Il n’y a juste pas d’extraterrestre chez Hunt.

Je suis cet imbécile heureux
qui vit au fond du rang
et qui s’adonne
avec les montagnes

— Idiot Fall / Idiot

Les étoiles porte le même nom dans les deux albums. La version Gros Bec est plus visqueuse et sert mieux le propos quasi ésotérique d’envoyer quelque chose dans l’univers en espérant que ça fonctionne versus la version légère de Royaume. Bébé prend de son côté une tangente totalement différente avec les deux versions. Du côté du Royaume, on est devant une pièce un peu « lover » envers l’être aimé. De l’autre, il y a un blues qui donne davantage le sentiment d’une relation difficile. C’est intéressant de comparer comme des trames différentes éclairent les mêmes paroles sous un autre jour en fonction des biais qui y sont rattachés. Finalement Poète et Gelée se répondent aussi. Du côté du Royaume, le fait que la pièce a un peu plus de substance donne un meilleur résultat, même si les deux fonctionnent bien.

Il y a aussi les pièces uniques à chacun des albums. C’est le cas pour l’Éternité, une pièce magnifiquement vaporeuse qui donne son titre à Royaume. C’est léger et l’approche de Jimmy Hunt à la mélodie fonctionne à merveille. La pièce instrumentale Attendre qui ouvre Royaume a aussi ses charmes avec ses sonorités de claviers et les balais qui flattent les peaux des tambours. Ça donne une bonne idée de la direction dans laquelle se dirige l’album.

Sur Gros Bec, on retrouve des pièces qui sont plus rock comme Tout nu dans la baie qui est une pièce typique de Jimmy Hunt. C’est un peu crasse, il y a un texte audacieux et une bonne mélodie vocale réverbérée. Retraite est une autre pièce vraiment réussie de l’album où Jimmy Hunt nous chante l’envie de prendre sa retraite pour passer du temps avec les animaux. Officiellement, l’acide avait fait son effet à ce moment-là, il n’y a pas de doutes. Si, qui ouvre l’album, est une pièce lente avec de beaux moments de claviers et quelques guitares bien distorsionnées. Finalement, Merci pour ton livre qui clôt l’album part un peu erratique, mais se place rapidement. Le tout se termine sur une réflexion de Jimmy Hunt et des sons tirés des enregistrements en studios.

Bref, c’est tout un morceau que vous aurez à mastiquer avec vos oreilles aujourd’hui. Les deux albums sont intéressants pour des raisons différentes. Il y a quelque part un Dr Jekyll et Mr. Hyde dans la proposition de Jimmy Hunt. Gros Bec est plus énergique de dynamique, mais par moment, ça part dans une vrille un peu folle. De l’autre côté, Royaume est léché, posé et ça donne aussi de bons moments avec les textes de Hunt. Le second, par contre, est court et passe à la vitesse de la lumière avec ses 6 chansons.