Critiques

Iron Maiden

Senjutsu

  • Parlophone Records
  • 2021
  • 82 minutes
7,5

La sortie d’un nouvel album d’Iron Maiden est toujours un événement en soi, même si la légendaire formation n’a rien offert de potable depuis belle lurette. Inutile de dire que mes attentes étaient plutôt basses pour le dix-septième opus du groupe, paru il y a quelques jours. Or, loin d’être un échec, Senjutsu est sans doute leur meilleur disque depuis Brave New World (2000), malgré ses excès et sa grandiloquence.

Je ne suis pas un inconditionnel d’Iron Maiden. Certes, je suis un nostalgique de leur première période (en particulier du tout premier album, avec Paul Di’Anno au micro), mais je me suis lentement désintéressé de la formation après l’album Fear of the Dark, paru en 1991, même si je garde encore un précieux souvenir du clip de Wasting Love qui roulait alors en boucle à l’émission SolidRok de MusiquePlus.

Bien sûr, le groupe britannique a connu une sorte de renaissance artistique en 2000 avec Brave New World, qui marquait le retour de Bruce Dickinson, mais le succès d’estime de ce douzième album a été teinté dans mon esprit par le fait que Maiden répète essentiellement la même recette depuis 20 ans, agrémentant son heavy metal d’envolées progressives, avec quelques bons moments ici et là et souvent beaucoup de remplissage… y compris sur le précédent The Book of Souls (2015).

Même s’il est presqu’aussi ambitieux dans sa forme et dans son étendue (plus de 80 minutes de musique, avec quatre morceaux qui frôlent ou franchissent la barre des dix minutes), Senjutsu évite le piège des albums précédents parce qu’il n’essaie pas d’être ce qu’il n’est pas. En effet, la formation ne semble plus écartelée entre son désir de recréer le son des débuts, avec des riffs agressifs et des tempos rapides, et sa quête de quelque chose de plus épique, à cheval entre le prog et le power metal.

Ainsi donc, Senjutsu abandonne ou presque le heavy metal pur et dur et privilégie une approche presque symphonique, avec des structures plus complexes et un fin travail sur le plan des mélodies. Le mérite en revient notamment au bassiste Steve Harris, qui signe la majorité des titres, dont plusieurs qu’il a écrit seul (dont les excellentes Death of the Celts et Hell on Earth, en deuxième partie), en plus d’assurer la direction artistique du projet. Iron Maiden utilise également à son plein potentiel la formule à trois guitaristes (Dave Murray, Janick Gers, Adrian Smith) pour créer des harmonies sophistiquées, avec de nombreux passages où les guitares se doublent.

Les tempos sont généralement plutôt modérés (ne vous attendez pas à des rythmes frénétiques à la Run to the Hills), avec aussi plusieurs interludes acoustiques (sans trop se perdre dans des envolées médiévales, comme sur Brave New World). La voix de Bruce Dickinson est toujours aussi virtuose mais un peu moins haut-perchée que jadis, lui qui a longtemps traîné la réputation de « chanteur hurleur », et il faut dire que ça convient assez bien à ce nouveau matériel. Cela dit, sa performance demeure impressionnante, notamment sur un morceau comme Stratego ou sur l’extrait Writing on the Wall, lui qui a reçu un diagnostic de cancer de la gorge en 2015.

Évidemment, on peut faire de mauvaises blagues sur le fait que les gars ont plus de 60 ans et qu’ils ne sont plus capables de jouer aussi vite qu’avant. Mais on peut aussi faire le constat que la bande semble désormais à l’aise avec le son qu’elle a développé depuis Brave New World et qui a de toute façon toujours été dans son ADN. On peut en effet remonter jusqu’à Phantom of the Opera sur le premier album en 1980 pour trouver des traces de ce côté prog chez Maiden, sans oublier des classiques comme Alexander the Great ou The Rime of the Ancient Mariner. Le groupe n’a pas craint non plus d’intégrer des synthés à son arsenal depuis l’album Seventh Son of a Seventh Son en 1988, même s’ils sont souvent plus décoratifs qu’autre chose (et souvent un brin quétaines, ce qui est encore le cas sur Senjutsu, malheureusement).

Malgré les critiques dithyrambiques que vous avez pu lire un peu partout, Senjutsu n’est pas un album parfait. Il y a quelques longueurs et la formation donne parfois l’impression d’en beurrer épais. Mais c’est un rappel qu’il n’y a personne qui arrive à la cheville d’Iron Maiden en matière de metal épique. Ici, pas de ballades sirupeuses à la Dream Theater et pas non plus de paroles tirées d’un jeu de Donjons et Dragons comme chez Rhapsody of Fire. Voilà qui est bien suffisant pour commander notre respect et notre admiration (avec une bonne pinte de bière Trooper!)

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