Critiques

Idles

Ultra Mono

  • Partisan Records
  • 2020
  • 43 minutes
8
Le meilleur de lca

Un troisième album très attendu pour la formation originaire de Bristol en Angleterre. Après Brutalism paru en 2017, IDLES revenait rapidement à la charge avec l’un des disques marquants de l’année 2018 : Joy as an Act of Resistance. Sur cette production, le chanteur de la formation – le charismatique Joe Talbot – aborde une panoplie de sujets difficiles : masculinité toxique, immigration, Brexit, etc. Un « fuck you » électrisant adressé au conservatisme identitaire et économique qui sévit sur notre planète depuis l’époque Reagan-Thatcher.

Aujourd’hui, IDLES subit les contrecoups reliés à la déflagration de popularité issue de la parution de Joy as an Act of Resistance; une détonation ressentie fortement en Europe. Des artistes comme Jason Williamson (Sleaford Mods), entre autres, ont tourné en dérision le succès obtenu par la formation, accusant le groupe d’une appropriation de la lutte des classes…

Pourtant, le quintette n’a pas volé son succès, tant s’en faut. Dix ans de galère à jouer dans des bars et salles mal famés devant un public souvent indifférent ont permis au groupe de développer une magnifique résilience. C’est à coups de concerts mémorables qu’IDLES est devenu le porte-étendard du mouvement post-punk actuel qui a permis l’éclosion d’excellents artistes comme Fontaines DC, Shame, Viagra Boys, etc.

Coréalisé par Adam Greenspan (Cut Copy, Anna Calvi), Kenny Beats (FKA Twigs) et Nick Launey (Yeah Yeah Yeahs, Arcade Fire), Ultra Mono a été enregistré dans un studio situé en banlieue de Paris. Jehnny Beth (Savages), Warren Ellis (Nick Cave and the Bad Seeds) et David Yow (The Jesus Lizard) viennent prêter main-forte au groupe, mais c’est la performance de Beth dans Ne Touche Pas Moi qui se détache; un manifeste féministe dont le refrain matraqué et itératif fait office de vers d’oreille :

« Ne Touche Pas Moi

This is my dance space […]

Consent !

Consent !

Consent ! »

– Ne Touche Pas moi

Littérairement, Joe Talbot est brutal. Plus que jamais. Dans Model Village, il démolit avec hargne le repli sur soi que l’on peut constater dans certaines agglomérations rurales :

« I beg you pardon

I don’t care about your rose garden

I’m listening to the things you said

You just sound like you’re scared to death »

– Model Village

Au-delà de ces textes crus et dénonciateurs, IDLES incorpore habilement à sa palette sonore des claviers et rythmes électroniques, et ce, sans perdre une seule once de puissance. Ce nouvel apport modifie les structures des chansons, spécifiquement les introductions, ce qui fertilise encore plus les refrains unificateurs.

Certains pourraient reprocher au groupe un emballage sonore encore plus impeccable que ce qui avait été conçu sur le précédent effort. N’en déplaise aux puristes du punk, c’est cette réalisation lustrée qui permet au son d’IDLES d’avoir encore plus de vigueur. Et honnêtement, sans cette explosivité, « l’effet IDLES » serait amoindri. Pourquoi ? Parce que le groupe mise sur une recette répétitive qui, un jour ou l’autre, aura raison de sa créativité… mais en attendant cet inévitable manque d’inspiration, ne boudez pas votre plaisir.

Parmi les excellents brûlots qui enfièvrent Ultra Mono, vous serez extatique à l’écoute des quatre premières bombes lancées par IDLES : War, Grounds, Mr. Motivator (inoubliable refrain) et Anxiety. A Hymn pourrait être interprétée comme l’expression de la culpabilité que Joe Talbot ressent face à l’étonnant succès obtenu par le groupe. Dans la conclusive Danke, le rythme martial est du IDLES pur jus.

Est-ce aussi jubilatoire que Joy as an Act of Resistance ? Pas tout à fait. Quelques pièces plus faiblardes (Kill Them With Kindness, Carcinogenic et The Lover) viennent amoindrir l’appréciation de ce disque, mais Ultra Mono est derechef un disque inspiré et inspirant.

Dans ce « merveilleux monde », il y a celui ou celle qui veut mobiliser les masses tout en remplissant consciemment son compte de banque. Et il y a l’autre qui, à travers son art, cherche sincèrement à dénoncer certaines injustices, tout en exprimant, avec une véritable passion, sa compassion, son empathie et sa joie de vivre. IDLES fait partie de la deuxième catégorie.

N’en déplaise à ses détracteurs.

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