Hot Chip
Freakout/Release
- Domino Recordings
- 2022
- 48 minutes
Révélé en 2006 grâce à son deuxième album The Warning, le quintette britannique Hot Chip roule sa bosse depuis plus de 20 ans. Si la formation a toujours joué sur le fragile équilibre entre musique de party et pop plus mélancolique, son nouvel album se situe résolument dans la première catégorie. Porté par des influences disco et funk, Freakout/Release peine toutefois à émouvoir, malgré de beaux flashs.
Il s’agit déjà d’un huitième album en carrière pour la formation menée par les multi-instrumentistes Alexis Taylor et Joe Goddard. Si le groupe a connu son pic créatif au tournant des années 2010 avec les disques Made in the Dark (2008) et One Life Stand (2010), il n’a jamais vraiment commis de faux pas. Certes, le côté exploratoire de la musique de Hot Chip s’est quelque peu adouci avec les années, les Londoniens se contentant d’offrir une synth-pop brillamment exécutée, mais assez conservatrice, comme sur Why Make Sense? (2015) et A Bath Full of Ecstasy (2019).
À sa surface même, l’idée d’un disque inspiré par le funk et le disco des années 70 semble alléchante, surtout que Hot Chip n’a jamais caché son amour pour la musique de club, agrémentant sa synth-pop d’éléments de house et d’EDM, mais sans toujours y aller pour les tempos ultra-rapides. C’est d’ailleurs cette tension entre des textures éclatantes et des textes souvent introspectifs qui a permis à la formation de faire sa marque dans les cercles indie pop, malgré une approche grand public.
Sans être un mauvais disque, loin de là, Freakout/Release donne l’impression d’une formation prise entre deux chaises, incertaine si elle devrait foncer tout droit dans cette direction plus dansante ou s’en tenir à une approche davantage mid-tempo. Les choses démarrent sur les chapeaux de roue, avec l’entraînante Down, construite sur une ligne de basse très funky. La suivante Eleanor est également très réussie, dans un registre qui évoque la pop de Prince, époque When Doves Cry, avec un refrain à l’enthousiasme contagieux et un texte librement inspiré d’une anecdote selon laquelle le dramaturge Samuel Beckett aurait jadis offert un lift au lutteur André le Géant :
« You’re like Andre the Giant
On his way to school
Beckett gave him a ride
Before there was carpool
He knew to pick him up
Show him the way to go
But I bet he learned a thing or two
Riding with Andre in tow ».
– Eleanor
L’atmosphère très relâchée se poursuit sur la pièce-titre, qui emprunte à l’imaginaire de Daft Punk avec son utilisation du vocodeur et un rythme d’inspiration techno qui trahit l’influence du duo belge Soulwax, co-producteurs de l’album. Mais Hot Chip opère alors un virage à 180 degrés en enchaînant une série de ballades introspectives. Certes, ça permet au groupe d’aborder des thèmes importants comme l’anxiété et la dépression, mais les musiques un peu génériques de Broken et Not Alone créent une sensation de fadeur. Même l’humour de Hard to Be Funky tombe à plat, alors que le groupe semble s’interroger sur son aptitude à produire un album funk.
Bien sûr, on dira que c’est dans l’ADN de Hot Chip d’alterner entre ces deux pôles, mais pour une des rares fois dans leur discographie, c’est comme s’il manquait de liant pour en faire un univers qui serait cohésif. Qu’on ne se méprenne pas : il y a ici de très bonnes chansons, dont Guilty ou encore Time, qui relève le défi d’aborder le deuil tout en restant entraînante et habitée d’un certain espoir. The Evil that Men Do, en duo avec le Canadien Cadence Weapon, touche également la cible.
Au final, l’expérience de Goddard, Taylor et compagnie leur permet d’offrir un album qui tient néanmoins la route, avec assez de bons morceaux pour soutenir notre intérêt pendant près de 50 minutes. Ça reste de l’électro-pop bien faite, avec une production soignée, mais qui se situe en deçà des standards établis par le groupe.