Critiques

FKA Twigs

Eusexua

  • Young Recordings
  • 2025
  • 43 minutes
8,5
Le meilleur de lca

En ce début de 2025 et en ce mois de janvier, connu comme le plus long de l’année, les sorties musicales ne sont généralement pas nombreuses. Les auditeurs ont tendance à s’accrocher vainement à tout album causant la surprise. Cette année, dans le monde de la pop, nous sommes gâtés dès le 24ème jour de l’année. Et pour cela, nous nous devons de remercier FKA Twigs. Tahliah Barnett, autrice de projets de pop avant-gardistes impressionnants (LP1, M3LL155X et Magdalene) comme de projets démontrant d’une liberté créative contagieuse (Caprisongs). Entre renouvellement et fidélité à son art, elle est désormais de retour avec un nouveau projet et une nouvelle réinvention : Eusexua.

Twigs avait évoqué la conception de cet album comme ayant eu lieu à Prague, dans des boîtes de nuit et autres endroits où elle pouvait marcher presque en tant qu’inconnue, lui procurant une nouvelle forme de liberté. Cette liberté et cette créativité, on la retrouve partout dans Eusexua. Les trois premiers simples de ce projet annonçaient déjà la couleur, soit la chanson-titre, Eusexua, Perfect Stranger, ainsi que Drums of Death, différentes, mais si similaires à la fois, car étant toutes des appels à la danse à travers la tendresse, la candeur, et la sexualité. « Do you feel alone // you’re not alone, » nous dit-elle simplement, mais tout en douceur.

Depuis la sortie de ce projet, les comparaisons à Madonna à l’époque de Ray of Light fusent énormément, et ces parallèles sont définitivement méritées. Girl Feels Good, en particulier, est bluffante d’efficacité quant à cet égard. C’est un vrai retour dans les années 2000 teinté de modernité et d’un désir de transgression et d’enrichissement personnel. De manière générale, la production est un des éléments marquants de cet album, avec des outros effrennées et absolument euphoriques. Perfect Stranger, par exemple, nous satisfait tout particulièrement avec 30 dernières secondes qu’on aimerait allonger pendant une heure de plus. De plus, fidèle à elle-même, Twigs nous gâte avec ses merveilleuses bizarreries musicales, comme les voix saccadées de Drums of Death ou encore le synthétiseur angoissant sur Room of Fools. En plus de ces variations instrumentales impressionnantes habiletés vocales de FKA Twigs font, encore une fois ici, des merveilles, Keep it, Hold It rappelant les excentricités d’une Kate Bush. Le falsetto fragile sur la chanson-titre témoigne également d’une fragilité maîtrisée qui émeut l’auditeur.

La seule petite ombre au tableau réside sûrement dans une chanson qui cause déjà la division parmi les auditeurs, Childlike Things, morceau résolument plus léger et pop avec une apparition de North West… en japonais. Son inclusion dans l’album semble hors sujet, mais cette légèreté inattendue finit par faire sourire et surtout, SURTOUT, à rester dans la tête. Qu’à cela ne tienne, nous sommes dorlotés ensuite avec Striptease, un bijou musical tout en douceur et en sensualité, avec une conclusion drums and bass délicieuse. À mon (humble) avis, Striptease est le morceau phare de l’album et probablement un des meilleurs de la carrière de Twigs (ce qui n’est pas peu dire, surtout en face des divers In Time, Cellophane, Home With You, ou encore Mary Magdalene.) Finalement, 24h Dog et Wanderlust sont deux morceaux que je rassemble un peu en un, concluant un peu une soirée bien arrosée par un peu de tendresse. « Give me pure wanderlust, » nous implore- t-elle, à la croisée entre la supplication et la demande, entre la vulnérabilité et le pouvoir. À l’image de l’ambiance sonore de l’album, ces paroles, comme celles parsemant le disque entier, contiennent des multitudes et une profondeur émotionnelle qui surprend et frappe de par leur justesse et leur honnêteté.

On pensait à RENAISSANCE en 2022 et BRAT en 2024, et je pense sincèrement que Eusexua se classe dans cette lignée d’albums : des artistes aux sensibilités pop, touchant un public éclectique, ayant injecté dans leurs albums décisifs une ode à la danse teintée de l’étrangeté de l’être et de notre époque, nous envoyant ainsi un parfait reflet d’une société fragmentée, mais refusant de céder à un obscurantisme grandissant. Cet optimisme, ce désir d’envol, nous le garderons, coûte que coûte.

Sans conteste, Eusexua est, pour l’instant, l’un des albums marquants de ce début d’année. Comme nos comparses américains aiment bien le dire, it’s a big day for annoying people (c’est moi).

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