Critiques

Gramofaune

Fear Not

  • Indépendant
  • 2019
  • 40 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Gramofaune est le projet du compositeur Gabriel Gagné, un gars de Québec qui est apparu sur la scène électronique en 2017 avec la sortie d’un premier maxi éponyme. Les sept pièces proposées prenaient la forme de trames relativement ambiantes, mélangeant des courants comme le hip-hop, le trip-hop et un peu d’IDM. Le montage avait tendance à se répéter en boucle, comme ces genres ont l’habitude de le faire, donc c’est davantage pour la qualité de la conception sonore et des lignes mélodiques qu’il fallait tendre l’oreille.

Deux ans plus tard, Gramofaune est de retour avec Fear Not, un premier album qui dépasse pas mal toutes les attentes imaginables que son EP avait pu générer. Il reste une partie du mélange initial, mais Gagné a beaucoup travaillé sur l’équilibre entre la matière synthétique et acoustique. Il y a une quantité impressionnante d’échantillons créés à partir d’instruments acoustiques, d’idiophones et d’objets sonores qui viennent texturer la synthèse analogique. À cela s’ajoutent des performances précises à la guitare acoustique et électrique inspirées du folk et du rock progressif québécois.

Une boucle synthétique arpégée ouvre Trails de façon italodisco, le rythme s’installe doucement comme une pièce électro jazz qui réchauffe le lounge d’une station spatiale. Le pont laisse ressortir l’accumulation de notes de guitares, déployées comme de la pluie fine à travers la masse, qui se densifie par la suite en multipliant les notes de la ligne mélodique sur tous les instruments. La boucle électro de Big Belly établit une séquence de base à partir de laquelle la basse contribue en contrepoint. Les échantillons de xylophone rebondissent en parallèle comme un écho rapide, la combinaison est ingénieuse et fait penser à une trame hip-hop très texturée. Fear Not commence au piano électrique enveloppé de percussions électroniques, la voix presque chuchotée de Gagné vient compléter l’approche posée de la pièce. Le pont relativement long évolue comme un solo IDM jusqu’à la section itérative qui harmonise le synthétiseur avec la voix échantillonnée. L’album s’élève momentanément à un niveau intemporel.

Le piano électrique revient sur Grande Faune, en accord avec la boucle ascendante à l’arrière. La basse italodisco vient approfondir la mélodie pour culminer à la flûte traversière échantillonnée, dont le déploiement est superbement bien agencé. Pour Pascal prend place sur une pulsion dans les basses, comme un battement de cœur électronique par-dessus lequel le dulcimer et la guitare acoustique s’entrecroisent à travers la mélodie sautillante. Le kick techno de Yona donne le tempo pendant que les échantillons d’instruments acoustiques développent la pièce en deux tableaux mélodiques, le premier plus synthétique, le second plus délicat avec la flûte et le piano.

Le son de flûte du mellotron et la basse électrique amorcent Guide Sonore des Oiseaux sur une note de rock progressif. Ça se développe en trame variant entre une séquence plus rythmée et une autre plutôt atmosphérique. Numbers Station commence de façon légèrement expérimentale, jusqu’à ce que le piano embarque sur une suite d’accords échantillonnés qui font penser à une pièce de Bob Moses, mais le refrain explose par la suite dans une direction de solo épique de rock progressif, le contraste est hallucinant et se répète une deuxième fois avant de terminer sur un changement de poste de radio un peu comme Have a Cigar de Pink Floyd… wow ! Entanglement ouvre sur une oscillation dissonante avant de passer à une trame sonore de jeu vidéo 8-bit, passant de segments plus dynamiques à d’autres, plus planants. Ça se complexifie à mi-chemin en prenant une tangente IDM texturée par la guitare et les idiophones métalliques. La guitare acoustique ouvre Short Waves Long Distance comme une pièce folk durant laquelle le silence reprend sa place entre les notes, laissant le lieu d’enregistrement chuchoter un peu après chaque note, jolie conclusion. 

Fear Not se termine et les oreilles ont envie d’applaudir, reconnaissantes de l’expérience auditive vécue. La première réaction est la fascination pour le travail d’échantillonnage, qui relève de l’artisan qui prend le temps de choisir sa matière première, la laisse reposer pour que les fibres se détendent et prennent leur courbe définitive avant la coupe. Ça prend quelques écoutes avant de prendre du recul et savourer l’esthétique globale de l’album, située quelque part entre le trip-hop et l’IDM. Si ce disque avait été conçu par Andy Stott ou Clark, j’aurais affirmé que c’est un de leurs meilleurs. Donc, voilà un disque à écouter une fois par semaine jusqu’à la prochaine sortie.

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