Critiques

Genghis Tron

Dream Weapon

  • Relapse Records
  • 2021
  • 46 minutes
7,5

Les membres de Genghis Tron n’ont jamais affirmé qu’ils se séparaient, juste qu’ils prenaient une pause. C’était en 2010, environ deux ans après avoir lancé le magnifique Board Up the House, un album qui représentait la quintessence du métal synthétique, hypnotique et mouvementé de Genghis Tron tout en traçant de nouvelles voies pour le groupe. La pause arrivait donc en plein au moment où on pouvait envisager un avenir où Genghis Tron allait s’aventurer au-delà de son territoire “cybergrind” de prédilection.

L’an dernier, après 10 ans sur pause, le claviériste-programmeur Michael Sochynsky et le guitariste Hamilton Jordan ont annoncé qu’ils préparaient un autre album, cette fois avec un nouveau chanteur et avec un batteur en chair et en os, une première dans le parcours du groupe. Cet album, Dream Weapon, nous arrive enfin. La formation s’aventure en effet sur des territoires qu’elle n’avait jamais explorés, comme on pouvait l’espérer, mais en délaisse d’autres qu’elle avait maîtrisés auparavant. Finis les passages d’une brutalité gratuite et les riffs épineux enfoncés de force dans notre gueule; Genghis Tron s’en tient cette fois à un paysage space-rock/krautrock qui constitue ce qu’il a offert de plus accessible à ce jour.

Les textures sonores restent à peu près les mêmes, on a droit au même mariage de synthés bourdonnants et de guitares tranchantes, mais la formation ne tente plus de constamment dérouter l’auditeur comme il le faisait. Les arpèges programmés et les riffs de guitare unissent leurs forces pour propulser les pièces plus fluidement, avec moins de soubresauts. Ce calme, cette énergie puissante, mais posée, convient plutôt bien au nouveau chanteur Tony Wolski, qui ne hurle en rien comme le faisait son prédécesseur Mookie Singerman.

Cette nouvelle mouture est livrée avec beaucoup d’assurance, c’est un bon trip que nous fait vivre le groupe, mais quelque chose en moi voulait le même genre de montagnes russes que sur Board Up the House. Le ton est cette fois plutôt uniforme d’un bout à l’autre de l’album, les variations viennent en grande partie du choix numérique fait pour structurer les compositions (il y a des pièces en cinq temps, en six temps, sept, douze, etc., avec des passages en 4/4 ici et là). La cassure stylistique la plus nette vient dans la très solide pièce Ritual Circle, après un long crescendo qui cède sa place à un pastiche de NEU! et de Kraftwerk pendant les cinq dernières minutes. Le pastiche est réussi, et je n’ai rien contre ces vénérables rockeurs allemands, mais vous admettrez que ce n’est plus une trouvaille particulièrement originale de reproduire la kosmische Musik.

Malgré une légère déception causée par l’uniformité et par le poids des attentes, on passe un bon moment. L’ajout du batteur Nick Yacyshyn rend l’ensemble plus organique, et le plaisir que prend le groupe à se retrouver est palpable. Je reconnais que les défauts que je trouve à l’album proviennent de critères que j’impose à tout ce que j’entends et qui sont atteints de façon rarissime. Dream Weapon est chaudement recommandé malgré tout aux amateurs de space-rock vigoureux qui n’ont pas besoin que chaque album réinvente un genre.