Critiques

Gaz Coombes

Turn the Car Around

  • Indépendant
  • 2023
  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

Pour le mélomane qui affectionne au plus haut point la musique britannique, un nouvel album de l’ex-Supergrass tombe toujours à point. C’est en 2015 que la carrière solo de Gaz Coombes a réellement pris son envol avec la sortie de l’excellent Matador; un long format qui confirmait hors de tout doute l’indéniable talent d’arrangeur et de mélodiste qui a toujours habité ce surdoué. Trois ans plus tard, l’artiste résident d’Oxford en Angleterre récidivait avec un album pop-rock aussi inventif que frémissant, World’s Strongest Man. Une autre réussite, il va sans dire.

À la mi-janvier, il présentait en catimini son quatrième album solo en carrière : Turn the Car Around. Fidèle à son habitude, Coombes nous propose un album rempli de chansons mélodiques dont la subtilité des arrangements se dévoile au fil des écoutes.

Sans être un parolier inventif, le Britannique attire quand même notre attention avec des textes d’une désarmante simplicité. Dans la pièce-titre, Coombes tente d’insuffler un peu d’espoir dans un monde en perte de repères inspirants et lumineux :

To all my friends

To all the lost

I’ve got this crazy dream of a utopia

– Turn the Car Around

Musicalement, l’Anglais évolue avec une fluidité remarquable à travers les méandres de l’indie-rock orchestral, du glam rock façon Bowie et de la britpop de… Supergrass ! Encore une fois, l’arrangeur fait preuve d’un savoir-faire exceptionnel. Dans l’introductive Overnight Trains, il transforme une banale ballade pianistique, du moins en apparence, en en un hymne plus grand que nature. Dans les mains d’un créateur moins talentueux, cette prise de risque aurait pu verser dans une enflure musicale indigeste. En fait, c’est l’intervention du groupe au grand complet à un moment parfaitement choisi, la voix de Coombes noyé dans une magnifique réverbération et l’émouvant crescendo en guise de conclusion qui élève cette chanson à un niveau supérieur.

Le compositeur est également renversant. Dans Feel Loop (Lizard Dream), c’est la suite d’accords « radiohead-esque » du refrain qui capte notre attention. Un refrain qui, à la première audition, semble sortir de nulle part, mais qui prend tout son sens lors des écoutes subséquentes. Par ailleurs, l’homme manifeste adroitement son affection pour la musique soul dans deux excellentes chansons This Love et Don’t Say it’s Over. Enfin, la sophistication sonore de Coombes atteint son apogée dans Long Live the Strange; une sorte de glam rock explosif en introduction embellie à la mi-parcours par des harmonies vocales célestes. Et on pourrait poursuivre ainsi pendant longtemps…

Ce musicien, qui célébrera bientôt ses 47 balais, a concocté des chansons en parfait équilibre entre modernité et respect des traditions. Il est l’un des rares artistes issus de la vague britpop, qui sévissait au beau milieu des années 90, à avoir réussi à la perfection sa transition vers une carrière solo. Turn the Car Around est un disque mature certes, mais qui est loin d’être synonyme d’ennui. Un album audacieux et expansif.

En fait, Gaz Coombes est l’un des songwriters britanniques parmi les plus mésestimés de sa génération.