Critiques

Garbage

No Gods No Masters

  • BMG
  • 2021
  • 47 minutes
7

C’est en 1995 que la formation électro-rock Garbage a connu son heure de gloire avec deux succès mastodontes : I’m Only Happy When It Rains et Stupid Girl. Menée par la charismatique Shirley Manson, le quatuor est complété, encore aujourd’hui, par Duke Erikson, Steve Marker, mais surtout Butch Vig, réalisateur du mythique Nevermind de Nirvana. Depuis tout ce temps, le groupe poursuit sa route tant bien que mal, incapable de produire des disques réellement pertinents. Après le ratage de Not Your Kind of People (2012), Garbage a récidivé avec Strange Little Birds (2016) ; un long format plus vivant sans que ce soit distinctif… et les voilà de retour avec un nouvel album intitulé No Gods No Masters.

Dans ce monde hyperactif, productif et performant, la gestation de ce nouvel opus remonte presque au déluge. En effet, c’est en 2018 que la bande s’est réunie au domicile de Butch Vig afin de composer les nouvelles chansons révélées sur cette production. En 2019, tout ce monde s’est rassemblé en studio sous la férule de Billy Bush (Paul McCartney, Jake Bugg, Against Me!, etc.) afin d’enregistrer le résultat du boulot accompli chez Vig… mais c’était sans compter sur cette pandémie qui a contraint Garbage à achever cette création à distance.

Ce qui a toujours singularisé la formation, c’est la présence revendicative de Shirley Manson. L’Écossaise d’origine aime exprimer franchement ses opinions, sur plusieurs plateformes, au grand dam de ces nombreux masculinistes qui perpétuent un modèle tombant en désuétude. Inspirée par les mouvements #metoo et #BlackLivesMatters, l’artiste engagée, et âgée de 54 ans, combat le sexisme, la misogynie, le racisme, en plus d’être préoccupée par l’état environnemental de notre planète. Dans The Men Who Rule the World, en une courte strophe, elle dépeint parfaitement la discordance des intentions masculines lorsque ceux-ci se portent à la défense du féminisme :

The violator

Hate the violator

The violator

Destroy the violator

– The Men Who Rule the World

Aux premières écoutes, une perception étrange émerge. Les textes de Manson sont tellement prédominants que la musique, elle, semble reléguée à l’arrière-plan de notre attention. Cette impression s’estompe au fil des auditions pour faire place… au meilleur album de Garbage depuis des lustres !

Brutes, directes, exemptes de fioritures orchestrales, ces nouvelles chansons sont propulsées à un échelon supérieur par le charisme, la sincérité et l’interprétation sans faille de Manson. No Gods No Masters est une jonction sonore réussie entre le post-punk gothique de Siouxsie and the Banshess et la pop synthétique de Depeche Mode.

Évidemment, dans ce format radiophonique, quelques pièces quelconques se sont immiscées, Flipping the Bird et la conclusive This City Will Kill You, entre autres. En contrepartie, l’électro-punk The Creeps — une jouissive charge contre cet univers affairiste qui contribue grandement au délabrement de notre planète — l’arabisante Wolves, la mélancolique Godhead, la très « Nine Inch Nails » A Woman Destroyed et la pièce-titre aux allures post-punk sont superbement vitaminées.

Adeptes de pop-rock de qualité, prêtez l’oreille à ce long format… signé Shirley Manson. Sans son énergie contagieuse, les « boys » ne seraient que de simples faire-valoir. Et c’est loin d’être une mauvaise chose.