Fontaines D.C.
A Hero’s Death
- Partisan Records
- 2020
- 47 minutes
Mieux vaut battre le fer quand il est encore chaud, dit l’adage… À peine plus d’un an après l’excellent Dogrel, le groupe post-punk irlandais Fontaines D.C. remet ça avec A Hero’s Death, un deuxième album plus sombre et morose, qui évoque Joy Division dans le ton comme dans l’esprit (cette pochette qui rappelle même celle de Closer). Le résultat s’avère un peu moins explosif, mais néanmoins très réussi.
Personnellement, j’ai mis un peu de temps à embarquer dans le train Fontaines D.C. l’année dernière. Tandis que les critiques d’un peu partout s’enthousiasmaient devant cette relecture du post-punk de la fin des années 70, avec des influences évidentes de The Fall ou Gang of Four, j’avais du mal à entendre davantage qu’un pastiche ou un exercice de style. Étrangement, c’est avec la poignante ballade Dublin City Sky que je suis enfin tombé sous le charme du quintette dublinois, et Dogrel s’est peu à peu hissé parmi mes albums préférés de 2019 et j’y reviens encore très souvent.
Il est souvent à craindre, lorsqu’une formation obtient un succès instantané avec son premier album, qu’elle répète la recette sur son album suivant, surtout lorsque le délai entre les deux parutions est court. Mais Fontaines D.C. semble plutôt avoir suivi le chemin inverse, et c’est tant mieux. En entrevue récente avec le magazine NME, le chanteur Grian Chatten a reconnu que le succès de Dogrel avait eu des effets néfastes sur le groupe, particulièrement en tournée : « Ce n’est pas tant l’ascension du groupe qui était étourdissante que sa rapidité et son aspect incessant. Je me sentais comme si nous avions été placés dans une chambre qui tourne sur elle-même ».
Composé en bonne partie et enregistré en contexte de confinement, et donc au plus fort de la pandémie, A Hero’s Death se veut beaucoup plus austère que Dogrel, avec un parti pris pour les rythmiques plus modérées et les ballades un peu glauques. Oui, il y a encore des morceaux à la pulsation puissante, comme l’excellente pièce-titre ou l’oppressante Televised Mind, mais on demeure plutôt loin des refrains accrocheurs ou carrément pop de Liberty Belle ou encore Boys in the Better Land.
Il serait tentant de dire qu’il s’agit du proverbial album de la maturité pour Fontaines D.C. Oui, le ton est plus posé et les thèmes abordés témoignent d’un regard lucide sur le monde et tous ses travers : la prétention et la superficialité du vedettariat (A Lucid Dream), le risque de brûler la chandelle par les deux bouts (You Said), ou encore le refus de se plier aux attentes des autres (I Don’t Belong). Mais la vérité, c’est que ces préoccupations étaient déjà présentes sur Dogrel, à l’exception qu’elles étaient parfois enveloppées de riffs fédérateurs et d’une énergie un tantinet juvénile.
Les moments forts sont nombreux sur A Hero’s Death. Ainsi, sur l’abrasive Love Is the Main Thing, le chant torturé de Chatten s’approche de celui d’Ian Curtis, tandis que la section rythmique répète le même riff hypnotique qui menace de sombrer dans la cacophonie à tout instant. L’excellente Living in America est bâtie sur le même moule, avec encore une fois un gros travail de Tom Coll à la batterie. Les influences sont aussi plus diverses que sur Dogrel. On y entend du Can, du This Heat ou du Bloc Party. Le groupe a aussi fait grand cas en entrevue de l’influence des Beach Boys, mais ça ressemble davantage à une opération de relations publiques.
J’ai longtemps tergiversé sur la note à accoler à cet album. J’ai finalement opté pour un « gros » 7,5 pour refléter cette impression qui persiste chez moi au sujet de cette tendance chez Fontaines D.C. à se coller un peu trop à ses modèles. Il y a aussi un petit essoufflement en fin d’album lorsque les ballades Sunny et No se succèdent. Ça reste un disque de très belle tenue, et un digne successeur à Dogrel.