Critiques

A History Of Nomadic Behaviour

Eyehategod

A History of Nomadic Behaviour

  • Century Media Records
  • 2021
  • 42 minutes
8
Le meilleur de lca

En 2014, quand ces légendes du sludge métal ont effectué leur retour sur disque, plusieurs mélomanes, adeptes du genre, se sont réjouis. D’autres craignaient la redite.  L’album éponyme de la bande menée par ce nihiliste affirmé qu’est Mike Williams a fait partie de nombreuses listes « métalleuses » de fin d’année. Le contexte dans lequel ce disque fut conçu était en parfaite concordance avec les chansons tortueuses et boueuses de la formation. À l’époque, Williams a assisté, impuissant, à la destruction complète de sa maison située à La Nouvelle-Orléans, gracieuseté de l’ouragan Katrina, en plus d’être mis en état d’arrestation pour possession d’héroïne, écopant ainsi de 91 jours de prison.

Qu’à cela ne tienne, envers et contre tous, Eyehategod revient à la charge avec un nouveau cocktail Molotov lancé à visage découvert : A History of Nomadic Behaviour. Encore une fois, la conjoncture dans laquelle cet album a vu le jour est « particulière ». En plus de cette pandémie planétaire qui transforme parfois l’humain en bonobo égaré et inconscient, Williams a dû se soumettre à une importante intervention chirurgicale; une greffe du foie qui l’a contraint à remiser ses mauvaises habitudes au rencart.

Rien n’a changé, ou presque, chez Eyehategod. Jimmy Bower est désormais seul à la guitare administrant sa prescription habituelle de riffs vaseux. Williams poursuit son périple dans les méandres de la misère humaine avec tout ce que cela implique. Sans l’apport vocal enragé du vétéran, et résolument punk, la formation perdrait quelque peu de sa singularité. Dans High Risk Trigger, il tourne le projecteur vers cette violence urbaine qui caractérise de nombreuses villes états-uniennes :

« All streets fake peace

Bold face regret

Welfare, welfare

High risk reward »

– High Risk Trigger

Dans Circle of Nerves, il hurle une référence à peine voilée sur l’effet psychologique néfaste que peut avoir cette pandémie sur plusieurs d’entre nous :

« Broken by the separation sadness

I live in a hole in the ground »

– Circle of Nerves

Fidèle à son habitude, Eyehategod se positionne en équilibre entre des structures chansonnières sinueuses, mais somme toute classiques, et une énergie punk. Mais ce qui différencie ce disque des précédentes parutions, c’est la réalisation, claire et spacieuse, qui nous permet de déchiffrer les vociférations de Williams, tout en gardant intact ce son si menaçant.

Parmi les diatribes d’exception que renferme cet album, on vous suggère fortement l’entrée en matière Built Beneath the Lies; une sorte d’hommage à Black Flag, mais en mode métal. En milieu de parcours de The Outer Banks, l’accélération punk hardcore en réjouira plus d’un. La très « sabbathienne » Fake What’s Yours vous fera « headbanger » votre vie. La cacophonie ponctuée de hurlements en introduction de Current Situation est troublante. Et que dire du « kill your boss » scandé avec désinvolture dans Every Thing, Every Day ? Un hymne qui expurge ce sentiment d’aliénation qui anime la plupart d’entre nous… mais que nous n’osons pas exprimer à la face du monde. Williams le fait à notre place et avec une sincérité sans appel.

Eyehategod est un chien enragé tenu en laisse, prêt à sauter à la gorge du premier quidam qui croisera son regard, si vous osez le libérer de ses chaînes. Cette rage, qui embarrasse une certaine élite bien-pensante, est réelle et rarement prise au sérieux… avec les regrettables conséquences observées ces dernières années.

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