Critiques

Émile Bourgault

Tant mieux

  • Indépendant
  • 2024
  • 41 minutes
7

Le jeune Émile Bourgault s’est enfin complètement jeté dans le vide au printemps avec la sortie de son premier album en carrière, intitulé Tant mieux. L’auteur-compositeur-interprète montréalais commençait à se faire tranquillement (mais sûrement) un nom dans l’industrie locale ces dernières années, notamment grâce à une participation à la finale des Francouvertes et à des sacres aux concours Ma première Place des Arts et Festival international de la chanson de Granby.

Après deux EP lancés avant sa majorité, Bleu pâle (2020) et Nous aurons toujours le ciel (2021), Émile Bourgault ne s’éloigne pas de la recette folk-pop-rock des balbutiements de sa carrière, mais semble tout de même aujourd’hui mieux la maîtriser. Tant mieux s’aventure autant dans des ballades aux textes vulnérables que des morceaux aux refrains entraînants, et combine parfois les deux paramètres opposés simultanément à la manière d’un Gab Bouchard. Les morceaux du récent disque sont longs, titillant à deux reprises les six minutes, et laissent souvent place à des segments instrumentaux agréables (une petite mention aux lignes de saxophone de Florence Beauquier-Léger).

Si Émile Bourgault n’a que 20 ans au moment où ces lignes sont écrites, l’artiste semble déjà être équipé d’une plume mature et authentique. La mélancolie, la naïveté de sa jeunesse se ressentent tout au long de l’écoute, tout comme son attachement à l’autre, à ses relations. Une belle plume, alors, mais également un sens inné des mélodies : attention à vos papilles, les ingrédients d’un pop rock efficace et épicé sont réunis pour chef Émile.

Un atout qui joue en sa faveur, mais qui agit à la fois comme une arme à double tranchant : ce fameux mélange « folk-pop-rock » duquel Émile Bourgault semble raffoler est particulièrement populaire chez beaucoup d’artisans musicaux actuels de la province. Il est naturellement plus dur de se démarquer en puisant dans ce genre de musique. Si l’artiste commence réellement à trouver le « son Émile Bourgault », il n’est encore qu’à l’aube de sa carrière. Bourgault a le luxe d’expérimenter ces prochaines années toutes les avenues qu’il désire explorer sans avoir à essuyer des commentaires désobligeants d’admirateurs de longue date, demandant de répéter une unique formule qui les avait d’abord charmés.

Tant mieux ne jouit pas d’une énorme originalité, et le projet aurait pu s’avérer moins homogène. Après une entrée en matière particulièrement forte et rafraîchissante avec Juillet (drôle d’entendre son propre prénom dans le refrain!) et Les aiguilles (au thème si bien orchestré), certaines chansons semblent se répéter plus l’album avance. La face A compte des airs accrocheurs, alors que le deuxième segment de Tant mieux se repose surtout sur un visage plus sombre et introspectif d’Émile Bourgault, notamment à travers les titres Monique ou Tant mieux (pour toi). L’album a d’ailleurs été réalisé par Félix Dyotte, le mélancolique par excellence, qui a sans doute permis au jeune artiste montréalais de sublimer son émotion en chanson.

Compte tenu de l’âge et de l’expérience de l’artiste, peu de musiciens peuvent se targuer d’avoir pu livrer un album aussi bien ficelé que Tant mieux à 20 ans. Le disque représente un effort plus qu’honorable, mais on sent tout de même qu’Émile Bourgault aura la chance dans sa carrière de perfectionner son projet, le resserrer et simplement faire mieux. Et il va faire mieux. Aucune crainte à ce niveau-là.

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