Critiques

Eman 1036

Eman

1036

  • 7e Ciel
  • 2020
  • 40 minutes
8
Le meilleur de lca

Qu’il soit en mode bravade torse bombé ou un chanteur un peu gamin, Eman est décomplexé sur 1036. Pratiquement réalisée en solo dans son sous-sol (fini, espérons-le) , la voix du Limoulois est à l’avant-plan et sans fioritures sur cet album. On entend bien des guitares funky, des basses profondes et des claviers scintillants, mais 1036 est une voiture avec un moteur deux-temps  : des percussions franches et le « flow » net d’un artiste qui n’a plus rien à prouver.

Intro ouvre doucement le projet alors que le rappeur nous prévient que l’on se fie souvent plus à l’extérieur en oubliant ce qu’il y a à l’intérieur. Une mise en garde à la fois pour nos oreilles, et probablement pour les siennes aussi.  Les trois pièces qui suivent, avec leurs sonorités qui n’ont rien à envier aux meilleurs projets trap américains, offrent peut-être plus qu’il y paraisse de prime abord. Ce ne sont pas des succès de clubs, mais plutôt du type parfaits pour marquer son territoire à l’aide du système de son de sa berline coréenne. Il unit à la fois des basses électroniques saturées avec de l’échantillonnage soul, du Boom bap prouvant que les esthétiques actuelles du rapjeu ne s’opposent pas au passé. Après toute cette lourdeur, Les étoiles surprend par plusieurs changements d’ambiances en presque 4 minutes. Eman change de débit comme il change de gaminet, passant d’une voix naïve à une prosodie désinvolte.

 Il aurait pu aisément meubler tout son projet en solitaire. Le rappeur semble avoir en profusions des inflexions vocales, des nuances langagières ou quelques pointes d’une ironie délicieuse sur l’actualité, mais 1036 c’est aussi une occasion de réunir des voix fortes de la scène rap actuelle. Les invités qui l’accompagnent font des apparitions magistrales. Je m’imagine qu’Eman n’impose pas une pression malsaine, mais à entendre la qualité des verses on dirait que d’apparaître sur son projet est un honneur. Je le répète : chaque invité offre des lignes de haut calibre, mais Sarahmée mord avec tellement d’ardeur dans la ténébreuse Diamants qu’elle laisse sans voix. Maybe Watson n’est pas loin en deuxième dans son Sorento sur la 20 Ouest, qui prend des allures de Cypher avec Lary Kidd et L’incroyable Seif. S’ajoutent à la rencontre au sommet KNLO, Obia le Chef et finalement Claude Bégin, avec qui il reforme Accrophone le temps d’une conclusion poignante.

Toute la galette apparaît comme une ode à l’appréciation du travail accompli, des succès. Eman se donne des tapes dans le dos, tout en embrassant ses alliés. Tout ce positivisme donne par contre une certaine uniformité des textes. Il n’y a pas de redondance, notamment grâce à la grande variété d’ambiances rythmiques. C’est solide, mais ça vient avec moins de prises de risques que d’autres de ses projets. Évidemment, il continue à livrer ses incertitudes, sa nostalgie, la douleur des ami.e.s perdu.e.s, mais toutes ces notes d’intimité sont insérées subtilement à travers l’ambiance festive générale.

1036, c’est un album de bilans. Eman fait une parade victorieuse bien méritée en 13 chansons. Il a troqué son vélo pour une Cadillac décapotable pendant que ses compétiteurs suent dans leurs shorts trop courts. Complètement en suspension, calé dans ses sièges en cuir, il sort une galette de vétéran qui surfe sur l’horizon. Si vous cherchez de la vulnérabilité, il faut chercher ailleurs cependant… pourquoi ne pas commencer par l’un de ses nombreux projets?

<a href= »http://alaclairensemble.bandcamp.com/album/1036-2″>1036 by Eman</a>

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