Critiques

D-Track + Nicholas Craven

Hull

  • Coyote Records
  • 2021
  • 36 minutes
7,5

Quête : Faire rayonner l’Outaouais sur la mappe

Protagoniste : D-Track

AcolyteNicholas Craven

Prémisse : Dans son sac-à-dos, D-Track traîne une plume aiguisée, alors que son beatmaker Nicholas Craven l’accompagne avec des instrumentations dignes du street rap boom bap des années 90, tantôt jazzy, tantôt gospel.

Hull est un énième album studio pour David Dufour et sa dizaine d’années de métier derrière la cravate. Fort d’un rap conscient de qualité supérieure, le protégé de Coyote Records débarque en grande pompe, s’alliant au passage à un géant du rap français comme Akhenaton. De plus, comme Gatineau est un bastion de la république libre du Bas-Canada, Robert Nelson vient défendre un 16 bars percutant sur McDermott.

Avec D-Track, j’ai l’impression que l’authenticité et la technique forment un sacré mariage, parfois combustible, mais toujours pertinent. Si la ligne qu’il trace entre le rap et le slam est plutôt mince, la richesse de son lexique pallie son flow quelque peu monotone. Notons, en revanche, que ce ton linéaire est un peu sa marque de commerce. De plus, D-Track brise certains codes, volontairement. Vous constaterez qu’il n’hésite jamais à se dérayer du beat au profit de ses multisyllabiques et de son volcan d’idées en éruption. À mon avis, c’est là où D-Track trouve sa niche, en plus de porter un réel message engagé. D’ailleurs, certaines phases sur le long format me font drôlement penser à ses capsules «raptualité» qu’il publie mensuellement sur les réseaux sociaux.

on entend les frappes aériennes au-dessus des villes palestiniennes

pis des régions syriennes,

on voit l’hypocrisie chrétienne,

les démons qui se pointent déguisés en prêtre,

qui rêvent de voir toutes les cultures autochtones disparaître,

on entend les enfants des pensionnats qui crient à l’aide,

on voit l’erreur boréale sur des kilomètres

Les fantômes de Fukushima

Si l’album est une sorte d’hommage à la région natale de Craven et Dufour, le produit final, par ses collaborations internationales, s’exporte à merveille. Pour l’occasion, les deux Gatinois se sont d’ailleurs créé une liste de MC’s avec lesquels ils aimeraient contribuer. Che Noir, rappeuse de Buffalo s’est notamment prêtée au jeu sur Court-Circuit. Évidemment, l’apport d’une légende marseillaise comme Akhenaton sur Soroche est difficile à contourner. Le résultat, c’est un verse habilement fignolé, un refrain chanté avec groove et, accessoirement, une invitation pour un clip en Bouches-du-Rhône.

Force est d’admettre que Hull est synonyme d’avènement pour un D-Track dans la mi-trentaine, qui, malgré sa carrière marginale, n’a plus rien à prouver à quiconque. Ironiquement, Dufour est certes, un vétéran dans le rap-jeu québ, mais il est aussi un parolier sous-estimé au vocabulaire fourmillant. Si tel est son désir, espérons que cette dernière galette des plus complètes le propulsera vers de nouveaux sommets… parce que mise à part la répétition aliénante de certains beats et de deux ou trois rimes faciles, D-Track et Craven frappent la longue balle comme disent les amateurs de balle-molle.