Critiques

Cults

Host

  • Sinderlyn Records
  • 2020
  • 41 minutes
7

Il y a dix ans, le duo indie pop américain Cults obtenait une renommée instantanée grâce à son tube Go Outside. Après un premier album très réussi et bien accueilli par la critique, le groupe a eu du mal à composer avec le succès, comme en témoignent les tièdes Static (2013) et Offering (2017). Leur quatrième album, Host, les voit toutefois revenir à un style plus énergique, et ça fonctionne.

C’est sans doute le rêve de tous les groupes (même ceux qui n’osent pas le dire) de passer du jour au lendemain de l’anonymat de Bandcamp au genre de truc qu’on peut entendre dans des pubs d’Apple. Sauf que ça vient aussi avec de mauvais côtés : les attentes sont plus élevées, et les critiques n’attendent qu’un faux pas pour annoncer que le buzz était surfait. Dans le cas de Cults, le défi était double. D’abord, le groupe évolue dans un genre un peu éculé, celui de la pop alternative aux accents yé-yé, qui se la joue lo-fi, mais tout en visant un public large. Ensuite, le duo est passé au sein de l’écurie Columbia après le succès de son premier album, ce qui a donné l’impression qu’il reniait son héritage indie pour ainsi se vendre au plus offrant.

Host marque en quelque sorte un retour aux origines pour le groupe composé de la chanteuse Madeline Follin et du multi-instrumentiste Brian Oblivion. Sur leurs deux derniers albums, les comparses de longue date s’étaient un peu égarés en se plongeant dans les instrumentations électroniques (surtout sur Offering). Disons-le aussi un peu crûment : le duo a souffert du syndrome de la page blanche au chapitre des mélodies. Cette fois, le duo a choisi de s’appuyer sur des orchestrations plus organiques, avec une basse omniprésente et l’abandon des boîtes à rythmes. Le son du groupe demeure bien sûr ancré dans les années 60, mais avec cette fois avec un parti pris marqué pour le soul et le R&B, ce qui confère un côté moins naïf aux mélodies.

Ce côté soul s’exprime dès la première chanson. L’entraînante Trials, avec son rythme ternaire et ses orchestrations élaborées que n’aurait sans doute pas reniées l’infâme Phil Spector (j’entends des clins d’œil aux Ronettes ici). L’ajout de cuivres donne aussi une belle puissance à 8th Avenue, tandis que Spit You Out opte pour un rythme plus dansant, mais toujours avec la voix de Follin pour point d’ancrage.

Comme d’autres groupes nés du même désir d’actualiser la chanson pop des années 60 (Alvvays, Best Coast), Cults continue de cultiver un penchant pour l’esthétique psychédélique. Ça donne d’ailleurs quelques-uns des meilleurs morceaux sur Host, à commencer par l’excellente Like I Do, dominée par les synthétiseurs, mais propulsée par une batterie qui lui donne sa véritable impulsion. La ballade Shoulders to My Feet touche aussi la cible, dans un genre allant du folk à la pop sombre.

Bien sûr, il y a aussi des moments un peu plus monotones. Des ballades pop comme Working It Over et A Purgatory peinent à trouver leur erre d’aller, et souffrent d’une surabondance d’effets et de couches instrumentales. Le groupe donne aussi un peu l’impression de se répéter vers la fin du disque, après Like I Do (Monolithic fait un peu trop penser à Gilded Lily, qui concluait le précédent Offering).

Cela dit, Cults peut dire mission accomplie avec ce quatrième album. Sans être un chef-d’œuvre, Host constitue une preuve qu’un groupe peut se réinventer sans avoir à faire table rase du passé. Les mélodies sont accrocheuses, et l’enrobage musical évite généralement les lieux communs, en plus de s’éloigner de la synthpop dans le genre de CHVRCHES. C’est également un bel exemple de résilience de la part d’un groupe dont on n’attendait plus grand-chose, mais qui aura su s’accrocher.

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