Critiques

Strand Of Oaks

Hard Love

  • Dead Oceans Records
  • 2017
  • 40 minutes
6

L’auteur-compositeur-interprète américain Timothy Showalter fait de la musique comme on amorce une psychothérapie : pour confronter ses démons et pour mieux se connaître au final. Sur son cinquième opus sous le nom Strand of Oaks, Hard Love, il continue de puiser dans son passé trouble pour créer des hymnes rock qui se veulent rassembleurs, même si l’approche se veut plus ensoleillée cette fois.

Le musicien originaire de l’Indiana et aujourd’hui établi en Pennsylvanie n’a jamais craint de se mettre à nu dans ses chansons. Son premier album, Leave Ruin, paru en 2009, s’inspirait abondamment des drames de sa propre vie (un mariage en ruines, une maison qui passe au feu, l’obligeant à vivre sans domicile fixe…) Associé au courant folk, il a peu à peu délaissé les guitares acoustiques au profit d’un son beaucoup plus musclé, comme sur le précédent HEAL, sorti en 2014.

Mais sur Hard Love, Showalter donne l’impression de vouloir s’affranchir de son image de troubadour sombre et torturé. « HEAL, c’était de la merde, peut-on lire dans une entrevue qu’il a accordée au magazine Spin. J’en ai marre d’être le gars blanc triste avec une guitare acoustique. » (Bon, il n’y avait pas beaucoup de guitares acoustiques sur HEAL, mais on comprend où il souhaitait en venir…)

Étrangement, Hard Love ne marque pas un grand changement de direction musicale pour Showalter, si ce n’est effectivement qu’on le sent moins aux prises avec ses démons. La plus grande différence, c’est qu’il a évacué les synthétiseurs d’influence post-punk qui caractérisaient HEAL pour revenir à une facture rock classique, qui évoque tantôt Bruce Springsteen (Radio Kids), tantôt les Rolling Stones (Rest of It), tantôt son héros Jason Molina, alias Songs : Ohia (On the Hill), ou même les longs jams façon Grateful Dead (Taking Acid and Talking to My Brother).

Les chansons les plus intéressantes sont celles où Showalter s’écarte de son propre moule, comme sur la country-garage Quit It, où l’on reconnaît l’influence d’un groupe comme My Morning Jacket; ou encore sur la balade Cry, où sa voix se transforme pour tomber dans un registre falsetto qu’on ne lui connaissait pas. D’autres morceaux tournent un peu en rond, avant d’être traversés par un bref moment de grâce. C’est le cas de Salt Brothers, plutôt monotone jusqu’à ce que le refrain éclate en une mélodie exquise, portée par des accords puissants. Mais l’effet ne dure pas.

Autant on peut admirer Showalter pour son authenticité et sa franchise (il n’a pas hésité l’été dernier à confronter Father John Misty sur les réseaux sociaux après une performance plutôt instable de ce dernier à un festival en Pennsylvanie…), autant il est parfois difficile de connecter avec lui, tellement ses textes se veulent des tranches de sa propre vie. Sur On the Hill, par exemple, il relate un trip de drogue vécu lors d’un festival en Australie, mais à défaut d’y avoir été avec lui, l’ensemble nous laisse froids. Il se fait aussi un peu moralisateur, comme sur Radio Kids, où il se rappelle le « bon vieux temps » où la radio FM diffusait de la bonne musique.

Un bon album, mais sans plus, un brin inégal. Et quelle pochette…

MA NOTE: 6/10

Strand of Oaks
Hard Love
Dead Oceans
40 minutes

http://strandofoaks.net/