Critiques

Roger Waters

Is This The Life We Really Want?

  • Columbia Records
  • 2017
  • 54 minutes
4,5

Peu de gens dans l’histoire peuvent se vanter d’avoir eu autant d’influence sur la culture populaire que Roger Waters. Et le monument est encore actif après toutes ces années! Après avoir forgé le son d’un des groupes les plus influents de tous les temps, il continue à avoir des choses à dire, et ce depuis 1965!

Non?

En fait, il est vrai que David Gilmour a été le cerveau derrière la majorité des albums les plus avant-gardistes de Pink Floyd. Les paroles de Waters furent certes indispensables au groupe, autant que son apport à la composition, et son sens de l’album-concept en est un aiguisé à souhait. Mais avant de le proclamer génie, observons l’ensemble de son œuvre. Il commence à occuper une très grande place dans la sitedemo.cauction de Dark Side of the Moon, Wish you Were Here, Animals et The Wall, et il écrit entièrement The Final Cut pour ensuite se concentrer sur sa carrière solo, comportant maintenant quatre albums.

On observe quoi, donc? Oui, Waters sait écrire des albums, et surtout des albums commerciaux. Ce pour quoi son esprit mêlé à l’essence expérimentale de Floyd était une formule gagnante. Mais surtout, on voit que plus il prend les commandes de la machine, plus elle stagne. Animals et The Wall sont tous deux d’excellents albums, mais on commence à apercevoir beaucoup plus de ressemblances d’un album à l’autre que dans les temps plus obscurs du groupe. Le son Pink Floyd commence à périmer, et The Final Cut porte bien son nom en ce sens. Depuis lors, Waters a sorti quatre albums studio, et les quatre réutilisent plus ou moins le même son. Gilmour a d’ailleurs eu le même style de crise de la quarantaine, mais lui ne semble pas s’autoproclamer grand génie postmoderne à chaque occasion qu’on lui donne.

Alors bon, oui, The Pros and Cons of Hitch Hiking, Radio K.A.O.S et Amused to Death ne tombent pas très loin de The Final Cut, mais ça n’en fait pas de mauvais albums; le premier et le dernier en sont même de très bons. Par contre, on est loin de l’avant-garde. Waters réutilise fréquemment ses redites préférées : les citations directes, les sons de synthés un peu faciles (aujourd’hui connotés génériques à souhait), les copies quasi conformes de vieux classiques de Floyd comme Young Lust ou Sheep et les maudits sons d’horloge (sérieusement, on dirait qu’il en met partout où il peut). Les trois albums ne sont donc pas sans réminiscence de la mythique formation, mais ils en sont tout de même assez distincts pour ne pas donner l’impression de réécouter The Final Cut constamment et ont une ligne directrice super bien ficelée.

Qu’en est-il donc de Is This The Life We Really Want?, son quatrième album solo? Eh bien, c’est la continuation logique du parcours de n’importe quel homme ayant eu le parcours de Roger Waters : les redites se multiplient. Il n’a pas encore appris à chanter à l’extérieur d’une octave, et bien que ça faisait d’excellents effets dans certaines pièces comme Hey You ou Running Shoes, sa voix n’est aucunement polyvalente, rendant son usage inadéquat dans certaines pièces… Et ce surtout depuis que son âge le rattrape. Je suis même presque certain qu’il utilise de l’autotune dans certains passages de The Last Refugee et Bird In A Gale, et ce non pas pour faire un effet électronique.

La majorité des pièces de l’album semblent tout droit sorties d’un album de Floyd (de l’ère Waters) muni de moyens de sitedemo.cauction beaucoup plus poussés, mais avec beaucoup, beaucoup moins d’originalité que le groupe en avait. Fidèle à lui-même, il amorce son album avec une intro pleine de tic-tac d’horloge et de citations directes… Introduction qui se fond dans Déjà Vu, une petite balade aux accords faciles et aux arrangements de cordes aussi quétaines que Picture That ressemble aux premières minutes de Sheep (sérieusement, avec les mêmes octaves à la guitare et l’exact même effet de réverbération renversée sur la batterie…) ou que Smell The Roses est une version plus rapide de Have A Cigar (il va jusqu’à utiliser textuellement un des riffs!). D’ailleurs, Broken Bones, The Most Beautiful Girl ainsi que Wait For Her et Part Of Me Died — qui sont deux parties d’une même pièce — n’ont pas besoin de beaucoup plus de description que celle de Déjà Vu. C’est la même recette : petite balade, une ou deux envolées lyriques de sa voix de vieux sage, citations/effets sonores, prochaine pièce.

Il y a dans l’album une seule pièce intéressante pour la peine au bout du compte; celle éponyme à l’album. Elle utilise bien le timbre de voix du chanteur, avec une instrumentation assez sombre qui permet d’oublier un moment les petites balades presque insipides. Bird In A Gale est à la limite d’être trop Floydée et, de toute manière, si c’était du Pink Floyd, ça n’en serait pas du très bon. L’album n’est pas complètement inintéressant au moins; comme mentionné ci-haut, Waters a encore le sens de l’album concept. Les transitions entre les pièces se font magnifiquement bien, et la sitedemo.cauction sonore de l’album est très réussie — à l’exception de quelques effets sonores inutilement forts, comme l’explosion dans Déjà Vu. Certaines mélodies se réfèrent entre elles au long de l’album et le placement des pièces est bien pensé pour garder l’intérêt au long de l’album (pour quelqu’un qui en trouverait à écouter des copies de vieux classiques). La recherche sonore au niveau des citations et des effets garde en haleine la ligne directrice de l’album. À ce niveau-là, c’est réussi.

Toute cette analyse ne prend même pas en compte les textes de Waters. Je pourrais, à ce niveau, continuer à le critiquer pour radoter la même morale qu’il y a quelques décennies… Mais ce n’est un secret pour personne qu’il a toutes les raisons du monde de nous chanter (littéralement) inlassablement la même chose qu’il y a trente ans. Il aurait par contre avantage à nous le chanter par-dessus une cassette moins poussiéreuse.

Les redites de Roger Waters sont certainement dures à avaler; on voudrait bien que tous les artistes ne cessent d’être actuels et pertinents. Mais s’il a frappé un nœud quand The Final Cut est sorti, il vient de pogner le séquoia au complet avec Is This The Life We Really Want?. Et à ceux qui apprécieraient l’album pour son message, gardez en tête que le riche musicien et prétendant à la philosophie politique et idéologique a déménagé à New York pour se sauver de l’imposition anglaise, et que sa prochaine tournée s’appelle Us and Them… Pour un révolutionnaire anti-capitaliste, ça vit dans le passé sur un moyen temps!

MA NOTE: 4,5/10

Roger Waters
Is This The Life We Really Want?
Columbia Records
54 minutes

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