Critiques

Oxbow

Thin Black Duke

  • Hydra Head
  • 2017
  • 39 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Après près de 30 ans d’existence et sept albums studio, le groupe Oxbow ne ressemble plus à une création artistique autant qu’à quelque chose qui arrive, qu’à un phénomène naturel violent comme la prédation ou le mouvement des marées. Qu’un groupe tienne le coup aussi longtemps sans se diviser est exceptionnel; qu’il se développe encore et atteigne un tel niveau de finesse sans perdre en puissance, c’est inestimable.

Dix ans après l’excellent The Narcotic Story, la troupe de San Francisco présente enfin son Thin Black Duke, titre qui flotte dans l’air depuis au moins cinq ans. Ce n’est donc pas une réaction à la mort de David Bowie, plutôt une réplique au personnage de la part du chanteur Eugene Robinson, un type qui a très peu en commun avec le Thin White Duke. Robinson est pugiliste dans l’âme, abordant son rôle de chanteur comme il aborde tous ses autres projets : comme une façon de se mesurer au monde entier et de le plier à sa volonté. Robinson se bat pour se battre, pas pour la victoire, et il a exploré en long et en large les bienfaits de se faire casser la gueule dans son livre paru en 2007.

Musicalement, Oxbow a toujours été ambitieux, mêlant noise rock, blues et musique classique contemporaine dans un tout où règne une tension constante, une inquiétante menace de violence. Sur les albums précédents, des claviers et des instruments à vent venaient à l’occasion se frotter aux habituelles guitares, basses et batteries du rock. Thin Black Duke diversifie la palette d’Oxbow, la première pièce faisait appel tour à tour aux sifflotements de Robinson, à des cordes et des cuivres, et à quelques notes de piano. Ce qui pourrait s’annoncer comme bigarré ou forcé est en fait fluide, et si le mérite revient en majeure partie à Niko Wenner, guitariste et principal arrangeur musical du quatuor, chaque musicien se détache à sa façon de l’ensemble, pour y ajouter une couleur qui le complémente.

Écouter Oxbow est un peu comme regarder un grand félin ou un boa : même si on peut les observer longuement sans jamais les voir attaquer ou prendre en chasse, on ressent constamment le potentiel de la puissance qu’ils peuvent déployer à tout moment. Le besoin de déranger des premières années du groupe s’est grandement atténué (narguer Bowie est irrévérencieux, mais pas autant qu’intituler un album « King of the Jews » avec une pochette arborant le visage de Sammy Davis Jr., comme ils l’ont fait en 1991), Robinson est plus intelligible et conceptuellement concentré, ce qui fait que les distractions sont réduites et que le groupe peut laisser la musique, la voix et l’attitude parler d’elles-mêmes.

Bref, Oxbow nous offre encore du rock malsain de la plus haute qualité. On n’est pas étonné que les disques Hydra Head, inactifs depuis fin 2012, redeviennent subitement une maison de disque quand Oxbow a un album à présenter. Quand un talent persiste de si belle façon, il ne faut pas le laisser tomber.

Ma note: 8,5/10

Oxbow
Thin Black Duke
Hydra Head
39 minutes

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