
Crabe
Expression radicale
- Indépendant
- 2025
- 42 minutes
Un manifeste d’indépendance et de singularité pour ceux qui s’affranchissent, une fois de plus, des codes plus communément suivit quant à la composition type d’un album. Chaque nouvelle parution du binôme québécois signe un rafraichissement de notre musique actuelle. Un opus sans égal, tout aussi sensible que baigné dans la puissance.
Que dire de CRABE d’autre qu’acteur « présent punk » intarissable d’une scène québécoise légèrement homogénéisée ? Œuvrant à part depuis 18 ans, la formation majeure revisite ses antécédents et puise dans son catalogue préliminaire à 2011 pour revamper quelques titres inédits, ou peu connus, aux airs d’hymnes familiers pour les oreilles aguerries. Pour donner suite à Visite du temple inné (2023), la paire formée de Mertin Poulin-Légaré et Gabriel Lapierre se plaît au renouvellement et à la reconsidération de manière à partager un plaidoyer sincère et chéri.
Dès la grandiose ouverture, Pénicilline, c’est une suite de violentes décharges audibles qui se succèdent et qui s’emparent de son public. Celui qui goute au CRABE-fruit peut difficilement s’en passer par la suite. Face à face se développe un amalgame rock parfaitement disloqué, avec différents accents plus art-punk, alternatif et expérimental. D’un côté « A » teinté d’une agressivité plus frontale, c’est une musique qui est soigneusement lourde et puissante.
À mentionner, le côté « B », un atterrissage écrasant en une secousse finale de plus de vingt minutes, à traits de musique concrète. Faisant office de Message total, comme son nom l’indique, c’est en quelque sorte un long délire sonore organique qui se transfigure sous différents visages à plusieurs reprises. Agrémentée de bribes de dialogues distants et curieux, cette face énigmatique est une longue allocution employant une gamme phonique des plus étendue, afin de tout dire, en conclusion.
Un discours « vers une vie radicale » qui est adroitement magnifié de la délicate poésie surréaliste et décadente CRABE caractérielle. Ses textes charnels et torturés se dévoilent et s’accentuent en summum curieux énigmatique. Bilingue pour cet album, des textes décalés qui laissent tout aussi marqué qu’intrigué par ses avances inattendues, fidèles à la locution type de Mertin-Poulin Légaré.
Des bras de 62 pieds et un gros cœur à ras bord
Tu me fais ma fracture et tu me factures
Tes honoraires, tu veux mon or
Tu veux mon décor mais moi je te donne que ma charpente frêle
[…]
Tiens voilà ma peau, je t’en fais cadeau, jusqu’à mes os
T’opères ta lame
Fais toi plaisir, évite de saisir, évite de me guérir
— Un mélange de plumes dans ma plante carnivore
Une œuvre avérée. De la musique fortement identitaire. Un message assez clair et radical, bien sûr. Des titres forts, une réalisation réussie, une direction artistique charmante et surtout: un album complètement autoproduit. Ici, une critique de bon augure, qui ne peut que recommander.