Critiques

Coriky

Coriky

  • Dischord Records
  • 2020
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

Depuis de nombreuses années, la rumeur persiste : le rock est mort. Et pourtant… Il ne s’est jamais autant produit de musique rock qu’au cours des dix ou quinze dernières années. Dans ce cas, il serait plus juste d’affirmer que le rock est, commercialement parlant, à l’agonie. Or, le critère « commerce/marketing » n’a jamais fait partie de ma grille d’évaluation d’une œuvre. Vraiment pas. Donc, en ce qui me concerne, le rock est encore bien vivant, n’en déplaise à certains.

Durant ce printemps pandémique, on a annoncé la sortie du premier album de Coriky. Je m’en suis profondément réjoui. Pour plusieurs raisons. Coriky est un trio indie-rock aux accents punks formé de trois musiciens émérites : Ian MacKaye (Fugazi, The Evens), Joe Lally (Fugazi, The Messthetics) et Amy Farina, conjointe de MacKaye et batteuse attitrée de la formation. D’entendre MacKaye et Lally jouer ensemble à nouveau m’a rappelé que Fugazi fut probablement le groupe punk états-unien le plus intègre de l’histoire de ce genre musical.

Enregistré au Inner Ear Studios sous la férule de Don Zientara, matricé par nul autre que Bob Weston (Shellac), l’éponyme de Coriky est un enregistrement plus domestiqué que ce que Fugazi proposait à l’époque. Tout ce qu’il y a de plus normal puisque Lally et MacKaye ont franchi la cinquantaine depuis un bon moment. Toutefois, ce qui est perdu en intensité, en hargne, est bonifié par des chansons subtiles recelant une colère contenue.

Ce qui émeut particulièrement à l’écoute de ce disque est qu’il a été conçu sur une assise stable : l’amitié (et même l’amour pour MacKaye et Farina) qui unit les trois instrumentistes. Voilà un disque qui respire la proverbiale maturité, mais qui évite la ringardise. MacKaye exprime une vision catastrophiste de la période qui sévit actuellement (un dur moment à passer), mais il épure et crédibilise ses réflexions en les convertissant en petites vignettes inspirées du quotidien. Une neutralité narrative empreinte d’une sincère empathie :

« She rinsed out her cup

When the next shift showed up

Her replacement asked her « what’s been going on ? »

She said, « not very much »

But she’d seen a lot of action

Oh the terrible things she’s seen

On her screen »

Clean Kill

Musicalement, ces trois talents supérieurs alternent au micro avec une facilité déconcertante offrant ainsi une diversité mélodique considérable. Ian MacKaye est même étonnant dans le rôle de mélodiste principal. Son épouse rend le son d’ensemble plus accessible autant par ses harmonies vocales que lorsqu’elle est la voix du groupe.

Vous retrouverez la légendaire intensité de Fugazi dans des pièces comme Hard to Explain et Too Many Husbands. Say Yes est une chanson complexe qui évoque une sorte de « soul-punk ». Have a Cup of Tea flirte avec la dream pop, mais avec une aura bien plus inquiétante. Fait à noter, Farina offre une performance délicate et efficace à la batterie tout en accompagnant vocalement Lally et MacKaye de façon exceptionnelle.

Ne boudez pas votre plaisir. C’est l’album « vétéran » de l’année. Une cure de jouvence pour Ian MacKaye et Joe Lally.

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