S’il y a bien un homme issu du hip-hop québécois qui mérite toutes ses fleurs, c’est bien Connaisseur Ticaso. Actif depuis les années 1990, il n’a sorti son véritable premier album qu’en 2021, l’excellent Normal de l’est, après une longue carrière qui avait allègrement porté ses fruits. À présent, Steve Casimir (son vrai nom) continue sur sa lancée et nous présente son nouvel opus, le bien nommé Rap Life. Avec une pochette rendant hommage aux ‘covers’ tape-à-l’œil du gangsta rap de l’époque (à l’instar de ce que Metro Boomin et 21 Savage avaient pu faire sur le visuel de Savage Mode 2) autant dire que j’avais bien hâte d’entendre cette nouvelle proposition du rappeur québécois.

Déjà, cet album sonne comme une célébration, comme une grande inspiration d’air en haut d’une montagne durement gravie. Après tout, Connaisseur Ticaso a tous les droits de faire popper le champagne et de faire la fête avec ses amis. Avec la chanson éponyme, il affirme fièrement que « pour désarmer l’crowd, juste besoin d’classiques et d’mon charisme. » Eh oui, rien de moins. Ce sera le modus operandi de l’album : entre egotrip et introspection, nous avons droit à une panoplie de bangers à la montréalaise, alternant entre la puissance et la mélancolie.

Par exemple le début du morceau Invincible fait sourire avec son entrée en matière en 4 coups à la Pharrell Williams (belle touche de FREAKEY!), pour ensuite nous entraîner sur une lancée très dynamique. De plus, un moment marquant se trouve dans la transition entre ledit morceau et Switch Up, celui-ci étant magnifiquement décoré d’une voix aigüe survolant la prod délicate. Le morceau nous gâte également avec des passages textuels métaphoriques efficaces :

« Garde tes larmes, c’est quelques gouttes dans l’océan »

Brigands, quant à elle, est bien portée par les contributions de Bouldat et JuicemanSF, même si les rythmiques drill sonnent un chouïa datées dans ce contexte. Pourtant, les productions harmonieuses ne manquent pas : en effet, grâce au travail des beatmakers de talent, notamment l’iconique et tout-terrain Ruffsound, Rap Life utilise énormément d’échantillons allant vers les extraits soul venant injecter de la vie aux chansons en passant par des voix aigües survolant les morceaux comme des papillons monarques. Il est vrai, en revanche, que certains morceaux peinent parfois à trouver un certain élan de par leur courte durée. Néanmoins, ces manipulations du son restent la plupart du temps très efficaces.

Par ailleurs, d’autres références hip-hop parsemées ici et là viennent injecter une douce nostalgie dans les morceaux. Par exemple, Sans Pitié, une des meilleures chansons de l’album, nous régale avec une nouvelle production aux accents soul et avec sa petite référence au The Watcher de Dr. Dre qui m’a bien fait sourire. Il en va de même pour Pimp Episode, qui, de par son titre, m’a tout de suite fait penser au P.I.M.P de 50 Cent à l’époque. Parmi d’autres points forts du disque, Gun et Bitch avec Yvon Krevé, nous accueille avec des premières bars prenantes :

« Ils nous mentent depuis le début, là on est pris dans le déluge / Ça parle de Mars, ne sont jamais été sur la Lune ».

Dans ces moments, tu t’assois et tu écoutes ce qu’un vétéran a à te dire. Finalement, Push hard, le morceau le plus long, mais aussi le plus doux, conclut bien cette odyssée dans la Rap Life de Steve Casimir avec pudeur et dignité.

En résumé, l’album ne réinvente pas la roue des albums de rap québécois, mais ne songe pas à la faire non plus. Au contraire, Rap Life se veut exactement comme son titre : une ode à la vie de son auteur : trahison, obstacles, et succès. Malgré ses quelques petits défauts, son message de résilience et de courage n’en demeure pas moins fort.

Ça a passé proche, c’était juste une fausse alerte
J’suis encore là, j’suis encore bon, ça a d’l’air
Les épreuves c’est chill on deal avec
À un moment donné, ils vont tous disparaître.
– Invincible

Allez, fais popper le champagne, Ticaso. Tu l’as mérité.