Chelsea Wolfe
Abyss
- Sargent House
- 2015
- 57 minutes
Vous dire à quel point on a tripé sur le Pain Is Beauty (2013) de la ténébreuse Chelsea Wolfe est un euphémisme. Celle qui est catégorisée «néo-folk» par tout ce qui gravite autour de l’industrie du disque nous avait profondément remués grâce aux atmosphères funestes, ensorcelantes et vaporeuses sitedemo.caiguées tout au long de cette création. La sinistre prêtresse est de retour cette semaine avec un album titré avec justesse Abyss. Réalisé par le prisé John Congleton, (St. Vincent, Swans, etc.) la dame s’enfonce plus que jamais dans l’obscurité… pour le plus grand plaisir de votre humble scribouilleur.
L’approche musicale est nettement plus immédiate, moins immatérielle, évoquant autant le grondement guitaristique menaçant du doom métal que la noirceur du goth rock. Le danger avec ce genre de création est de se retrouver face à une musique fantaisiste et des propos faussement pleurnichards. Rien de tout cela sur Abyss. Un peu comme le dernier King Dude (un proche ami soit dit en passant), Chelsea Wolfe arpente les profondeurs du mal de vivre existentiel avec une véracité qui l’honore.
Musicalement, la dame conserve les rythmes tribaux servis sur le précédent effort. Elle augmente drastiquement la massivité des guitares et «auréole» ses chansons de douces mélodies qui font joliment contraste avec la sonorité générale de l’album. Tout en étant d’une lourdeur assumée, la beauté des inflexions vocales confectionnées par la chanteuse vient contrebalancer cette densité musicale. Évoquant une PJ Harvey luciférienne, les incantations de la dame sont tout simplement magnifiques. Évidemment, les aficionados de positivisme ensoleillé seront rebutés par ce disque, mais les autres qui savent très bien que la vie n’est pas qu’un jardin de rose seront ravis par ce superbe Abyss.
Peu d’artistes peuvent se targuer de proposer un univers aussi sombre tout en étant aptes à émouvoir fondamentalement l’auditeur. On émerge de cette descente aux enfers avec un curieux sentiment de réconfort. Oui, c’est le mot juste. On est réconforté par tant de justesse émotive et d’intégrité musicale.
Aucun morceau faiblard. Juste du stock de grande qualité! Que ce soit le côté industriel de Carrion Flowers, la sublime Iron Moon, la tribale Grey Days, les éléments électroniques malsains entendus dans After The Fall et Color Of Blood, le folk frémissant de Crazy Love, la conclusion très «doom» dans Survive de même que ces superbes violons fous et dissonants qui concluent avec splendeur The Abyss, tout est à sa place. D’une pertinence exemplaire!
On vous le donne en mille! Si ce disque-là n’apparaît dans notre liste des meilleures parutions de 2015, c’est que nous ne faisons pas notre travail correctement. Point à la ligne! Chelsea Wolfe construit un corpus chansonnier avec une patience d’ange déchu, offrant aux mélomanes (et ce disque après disque) un travail d’une beauté inégalée. Si vous ne craigniez pas de plonger dans les profondeurs des ténèbres afin d’en ressortir étonnamment ragaillardi, ce Abyss vous est destiné. Impressionnant!
Ma note: 8,5/10
Chelsea Wolfe
Abyss
Sargent House
57 minutes
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