
Catherine Leduc
Les jours où il neige à tous les postes
- Indépendant
- 2025
- 35 minutes
On s’est ennuyé de Catherine Leduc. Huit ans, c’est le temps qu’aura duré son hiatus musical. Elle nous revient enfin, aujourd’hui, alors qu’elle fait suite à son dernier long jeu « Un bras de distance avec le soleil ». Comme à l’époque, Leduc retrouve son partenaire et l’autre moitié de feu Tricot Machine, Matthieu Beaumont, avec qui elle partage une partie des arrangements musicaux et la réalisation. Ces retrouvailles témoignent d’une réelle chimie musicale et préparent un disque entièrement indépendant, émancipé et aux sonorités psych pop et rock, qui nous convient dans des avenues suspendues bien difficiles à quitter.
Composé de sept pièces seulement, ce troisième solo en carrière n’est pas sur le côté court pour autant. Les trois dernières chansons dépassent allègrement la barre des cinq minutes et c’est aussi de cette façon que l’on s’immisce dans l’univers ensorcelant que propose Catherine Leduc. En ce sens, l’addictive Tu meurs sans arrêt s’habille des sons gutturaux des synthétiseurs qui viennent nous gratter au bon spot. Ceux-ci se joignent à la voix répétée de la chanteuse dans un passage qui ne devrait laisser personne indifférent. Cet angle exploratoire est d’office, ailleurs sur cette galette, que ce soit sur Les raisons embaument la défaite, avec ses la-la-la magnétiques et ses voix-off ajoutées rappelant des psaumes quelconques. Il y a aussi Ce qui me brise m’ouvre, qui révèle la voix éthérée, presque effacée de Leduc, ainsi qu’une finale des plus euphorisantes. D’ailleurs, nous n’étudions pas très souvent les titres des chansons des albums que l’on critique, mais il faut dire qu’ici c’est un sans faute. En fait, ces derniers ajoutent à l’univers distinct de ce projet avec leur dose de réalisme et leur côté un brin funèbre.
On se relève de nos débarques
et la seule arme qui nous reste
est de ne plus mourir jamais
–Quand la seule arme qui nous reste est de ne plus mourir jamais
Les jours où il neige à tous les postes n’est pas l’album le plus verbeux. Même si les chansons prennent leur temps, elles laissent pleinement place à la musique. Du même coup, les quelques lignes qui y apparaissent sont d’une savante beauté et prennent leurs sens avec leur aspect résolument punché. C’est notamment le cas avec Quand la seule arme qui nous reste est de ne plus mourir jamais, le premier extrait à avoir vu le jour en février dernier. Cette chanson dream pop est composée de deux jolies phrases qui se déposent sur une instrumentation minutieusement travaillée. Pianos, synthétiseurs et percussions se côtoient, ici, et forment un tout assez rythmé. La voix de Leduc s’y dépose et elle y déploie sa verve et nous berce avec quelques ta-da fort agréables.
Comme l’actuelle et interminable transition hiver-printemps que l’on subit depuis plusieurs semaines déjà, ce disque témoigne du temps qui passe et le fait en prenant son temps. C’est en quelque sorte la trame sonore idéale pour assister à l’apparition des premiers bourgeons et au dégel du sol. Ce sentiment est exacerbé quand on se laisse emporter par l’excellente chanson-titre de l’album. « Tu me déterreras au printemps », entonne Catherine Leduc, pour nous tous, introduisant un passage prenant toujours teinté par un psychédélisme hypnotisant.
C’est avec un immense plaisir que l’on retrouve la musique de Catherine Leduc. L’artiste trifluvienne délivre, ici, sept œuvres lyriques uniques aux arrangements magnifiques, débordant d’une énergie bien singulière, qui nous font dire que ça valait la peine d’attendre huit ans.