Critiques

Cassandra Jenkins

My Light, My Destroyer

  • Dead Oceans
  • 2024
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

Révélée en 2021 grâce à l’excellent An Overview on Phenomenal Nature, l’autrice-compositrice-interprète américaine Cassandra Jenkins remet ça avec My Light, My Destroyer, sur lequel elle confirme son talent pour les récits bouleversants et imagés. Préservant ses influences jazz, elle élargit néanmoins sa palette sonore pour y ajouter des éléments électroniques et un côté folk-rock pleinement assumé.

L’univers de Cassandra Jenkins est multiple, ancré à la fois dans la banalité de la vie de tous les jours tout en puisant dans des métaphores qui revoient à l’immensité de la nature (la mer est une thématique récurrente) et même à l’espace. Elle a parfois été comparée à Weyes Blood en raison de son goût pour les arrangements élaborés et de son timbre de voix qui peut rappeler celui de Natalie Laura Mering. On y ressent aussi l’ombre constante de David Berman (Silver Jews, Purple Mountains), avec qui elle devait partir en tournée à l’été 2019 et dont la mort tragique a considérablement teinté l’écriture du précédent An Overview on Phenomenal Nature.

Sans nécessairement modifier son approche, la musicienne new-yorkaise arrive sur ce troisième album à créer un monde plus expansif, qui passe de l’indie folk (très belle Devotion en ouverture) à la new wave (étonnante et magnifique Delphinium Blue) au folk rock (la puissante Aurora, IL) à la pop mélancolique (la planante Omakase, qui rappelle Phoebe Bridgers) et même au grunge (la rugueuse Petco). Quant à son goût pour le jazz nocturne, il s’exprime sur la délicate Tape and Tissue en fin de parcours, portée par de somptueux arrangements de guitare et de saxophone.

Ça peut sembler disparate de prime abord, mais le tout est brillamment soutenu par la voix douce et feutrée de Jenkins, qui agit comme personnage principal de cet album aux multiples facettes. Les récits qu’elle incarne portent tous la marque de quelqu’un qui aurait passé beaucoup de temps à arpenter les routes de l’Amérique, en quête de soi-même, par exemple sur Clams Casino :

No one’s home at the hotel bar
I’ve been out looking for a silver lining
Just found a stray hair in the bedding
Maybe I’ll drive out to the ocean
I heard someone order the Clams Casino
I said « hey, what’s that? » they said, « I dunno »
Her voice echoes in my head

– Clams Casino

Jenkins arrive aussi à créer un fil conducteur entre ces multiples influences par une série d’interludes qui servent de point d’ancrage entre les différentes sous-sections de l’album. Même si My Light, My Destroyer ne s’écoute aucunement comme un disque concept, on sent le soin apporté à la séquence des différents titres. C’est d’ailleurs dans ces interludes que le thème de l’astronomie se dévoile, telle une carte du ciel pour nous guider. Ainsi, c’est un bref dialogue qui sert de poème à l’ambiante Betelgeuse, sur fond de jazz, tandis que Jenkins reprend les mots de William Shatner après son voyage dans le vaisseau spatial de Jeff Bezos sur Shatner’s Theme.

Même si elle évolue un peu dans l’ombre des Phoebe Bridgers, Weyes Blood, Julien Baker et autres Soccer Mommy, Cassandra Jenkins doit désormais être considérée comme une des plus brillantes autrices-compositrices de sa génération. Son langage musical est certes parfois hétéroclite, mais sa capacité à combiner l’indie folk, le jazz et la pop expérimentale dans un format chansonnier est admirable.

En conclusion, My Light, My Destroyer se révèle sans contredit comme une des très belles parutions depuis le début de l’année et il ne faudra pas rater son passage au Ministère le 27 septembre prochain dans le cadre de Pop Montréal.

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