Critiques

Beth Orton

Weather Alive

  • Partisan Records
  • 2022
  • 46 minutes
7,5

L’auteure-compositrice-interprète britannique Beth Orton a en partie érigé son enviable réputation grâce à des collaborations réalisées avec d’importantes pointures de la musique électronique anglaise, The Chemical Brothers et William Orbit, en tête de liste. Mais ce serait assez réducteur de passer sous silence le fait qu’elle a également été sélectionnée à deux reprises pour le Mercury Prize remis au meilleur album britannique de l’année; une fois pour l’album Trailer Park (1997) et une autre pour Central Reservation (1999).

Parmi ses plus récentes créations, notons les sorties de Sugaring Season (2012) — un album que l’on pourrait qualifier de folk sophistiqué — et Kidsticks (2016), disque qui mettait de l’avant le côté vaporeux et hypnotique de cette artiste âgée aujourd’hui de 51 ans.

Six ans plus tard, elle nous propose un 7e album en carrière titré Weather Alive. Enregistré dans plusieurs studios, pandémie oblige, Orton endosse pour la première fois le rôle de réalisatrice. Les huit chansons de ce nouveau chapitre dans sa carrière ont été de prime abord écrites et composées au piano. L’album a ensuite pris sa forme définitive avec les contributions de l’excellent batteur Tom Skinner (Sons of Kemet, The Smile), du bassiste Tom Herbert (Polar Bear) et du saxophoniste Alablaster DePlume.

Dès les premières écoutes, vous serez happés par la nouvelle fragilité vocale d’Orton. Ce chant toujours aussi réconfortant, amalgamé à des arrangements « électro-jazz » raffinés, fait de ce Weather Alive une production intemporelle qui n’adhère à aucune tendance… ce qui en dit très long sur le talent et l’authenticité de cette créatrice chansonnière mésestimée.

En toute cohérence avec l’atmosphère tempérée qui gouverne cet opus, elle nous propose des textes énigmatiques et rêveurs. Sur la pièce-titre, l’apaisement est à l’honneur :

Mist is rising, jewels singing

And the shadows fade away

– Weather Alive

Dans Friday, c’est le mythique écrivain français Marcel Proust qui l’accompagne dans ses songes :

In her dreaming of Proust all in my bed

He speaks to me in my sleep

And he takes me on the other side

– Friday Night

Weather Alive est une œuvre méditative et gracieuse qui doit s’écouter d’un seul trait et avec beaucoup d’attention pour en saisir toute la profondeur. Parmi les meilleurs moments de cette autre réussite au compteur de Beth Orton, on note le groove hypnotique, et quasi éternel, entendue dans Fractals. Haunted Satellite recèle de subtiles influences blues et gospel. Lonely rassurera tous ces introvertis qui culpabilisent d’être pleinement épanouis lorsqu’ils sont seuls et Arms Around Memory est hautement émouvante.

À l’heure actuelle, beaucoup de jeunes songwriters préconisent une forme d’écriture à fleur de peau, exposant ainsi leurs blessures, mais aussi leurs guérisons. Cette démarche est, bien entendu, inspirante et édifiante, mais peut parfois manquer de nuances et de subtilité.

Beth Orton est une artiste qui a beaucoup vécu. À travers sa musique et sa voix si singulière, elle nous transmet avec élégance et délicatesse sa propre compréhension de l’existence.

Weather Alive plaira assurément aux mélomanes avides de musiques matures et complexes à la fois.