Critiques

Eau de Bonjourno

Bernice

Eau de Bonjourno

  • Telephone Explosion
  • 2021
  • 50 minutes
8
Le meilleur de lca

La scène musicale torontoise est en train de se renouveler depuis quelques années, avec un courant jazz champ-gauche assez surprenant au centre de cette mouvance. La maison de disques Telephone Explosion y est certainement pour quelque chose, offrant une série de sorties sans faute depuis quelque temps. On y retrouve notamment des artistes comme Badge Époque Ensemble, Steve Roach, Pantoyo ou, depuis peu, Joseph Shabason.

Les fans de Shabason, justement, risquent de se plaire avec ce nouvel album de Bernice. On y retrouve des textures assez semblables à ses travaux solos ou au merveilleux Philadelphia, lancé l’an dernier aux côtés de Nicholas Krgovich et Chris Harris. Le coupable? Potentiellement Thom Gill, musicien de l’ombre qui collabore avec pas mal de monde dans la Ville-Reine. Ses sorties solos se font rares, mais gravitent justement autour de ce son muzak qui revient visiblement à la mode dernièrement.

Pour en revenir à Bernice, le projet a démarré à la base, en mode esseulé, avec la chanteuse Robin Dann. S’est greffé éventuellement à elle ledit Thom Gill et trois autres musiciens, juste avant la sortie du EP et de l’album Puff tous deux parus en 2017 et 2018 respectivement. Une signature chez Arts & Crafts s’est concrétisée à l’époque, accompagnée d’un certain succès d’estime dès la parution des deux sorties. On sentait déjà qu’un son très particulier était en train de se créer : ambiances new age et jazz minimaliste côtoyaient des voix ancrées dans le R&B et la soul. Le résultat était subtil et doux, mais s’affirmait tout de même.

Sur Eau de Bonjourno, les musiciens amènent la formule plus loin. Prenons Groove Elevation, la pièce d’ouverture de l’album en exemple. Des claviers bien kitsch ouvrent le tout avec une drôle de dissonance alors que des ajouts de voix et de bidouillages électroniques sortent de nulle part pour venir déstabiliser l’auditeur. Pourtant, la voix de Robin Dann et les sections de saxophone bien positionnées nous gardent en haleine. Le résultat pourrait facilement devenir cacophonique et passer à côté du but, mais on a plutôt droit à une pièce qui hypnotise par son étrangeté et sa lenteur.

Par la suite, le reste de l’album poursuit sur le même modèle et c’est du pur délice de groove downtempo réalisé par des musiciens au sommet de leur art. Les changements de structures abondent et les chansons parviennent toujours à surprendre. Le seul reproche majeur que l’on peut réellement adresser à l’album au final est un certain manque de rythme par moment. C’est un risque conscient que d’y aller avec des trames musicales plus lentes, voire méditatives par moment, et de tenter de les remplir le plus possible avec des arrangements variés et dissonants. Sur une durée totale de 50 minutes, ça peut toutefois commencer à peser lourd dans la balance si l’auditeur n’est pas totalement convaincu. Reste que la voix de Robin Dann à elle seule devrait suffire à accrocher qui que ce soit. Difficile de faire plus suave!

Souhaitons donc que cette vague sonore se poursuive parce qu’elle offre actuellement des résultats aussi surprenants que convaincants. Avec la sortie prochaine des instrumentaux de Philadelphia et un nouveau Shabason en solo, ce voeu devrait bel et bien s’exaucer.

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