Critiques

Ben Shemie

Desiderata

  • Backward Music / Joyful Noise Recordings
  • 2022
  • 43 minutes
8,5
Le meilleur de lca

La période trouble que nous venons de vivre collectivement avec la pandémie nous a tous forcés à la réflexion. Le mouvement, le besoin de quitter son quotidien, l’envie de partir, Ben Shemie, leader de SUUNS, l’a canalisé dans ce troisième album en trois ans, Desiderata. Album concept narrant le départ d’un.e protagoniste et explorant les différentes étapes de son voyage, ce nouveau disque est probablement le plus cinématographique et chaleureux de la carrière de son compositeur.

Épaulé par le Quatuor Molinari qui joue sur la majorité des pièces, Shemie aborde ici ses compositions avec un côté organique beaucoup plus appuyé qu’à son habitude. Si la voix robotique et les nappes de claviers restent légion, les arrangements orchestraux viennent donner une toute nouvelle couleur à son travail. Il en va de même pour les mélodies qui sont, ici, plus accrocheuses comme sur The Mirror ou The Other Being. On sent que Shemie fait encore plus de place à ses capacités de compositeurs et d’arrangeurs classique que sur ses albums précédents.

Cela dit, le leader de SUUNS n’est pas, pour autant, devenu pop. La recherche conceptuelle reste présente dans son travail. Ça s’entend notamment sur The Past Continuous où, inspiré de René Lussier, il compose sa musique autour d’extraits de vieilles cassettes de répondeurs trouvées au Renaissance. Il en va de même pour The Future Indefinite qui est probablement le morceau le plus expérimental de l’album tout en étant clairement sa pièce phare. Avec son côté électronique répétitif cassé par les envolées lyriques des violons, la pièce est probablement celle où l’idée du voyage est la plus présente. Fonctionnant comme un appel à l’aventure, il s’agit véritablement d’un des points forts du disque.

Pour n’en nommer qu’un autre, il faut parler de The Return, dernière composition de l’album. On ne peut qu’être emporté par les jeux vocaux et les arpèges sur cette pièce cathartique. Émotionnellement, c’est ici que tout se clôt et que le thème de la solitude et du besoin d’aller de l’avant présent dans tout l’album atteint son apogée.

It’s gonna be okay,
Floating in infinite space,
Once in a lifetime,
the stars aligned this way,
the sky is ablaze with descending signs that says that i need you

The Return

Il y a quelque chose qui touche à la déstabilisante, fantastique et banale expérience d’être humain sur ce disque. On passe du chaos à la mélancolie en faisant un détour par l’angoissant et la plénitude. Finalement, on ne peut pas conclure sans glisser sur la magnifique pochette du mangaka Haruhisa Nakata qui transpose magnifiquement ces sentiments. Bref un des grands disques de l’année.