Ariane Roy
medium plaisir
- La maison fauve
- 2022
- 42 minutes
De dire qu’il était attendu est un euphémisme. Le premier album d’Ariane Roy, medium plaisir, paraît trois ans après le lancement du premier simple Adèle, le passage en finale aux Francouvertes en 2020 et la consécration comme Révélation de l’année Radio-Canada en 2021. Entretemps, son excellent EP Avalanche (n.f) s’est retrouvé dans les nominations au GAMIQ. Un début de carrière très prometteur avec une pop efficace.
L’autrice-compositrice-interprète de Québec Ariane Roy offre en plein février medium plaisir, un album qui annonce le printemps. Pourquoi un titre si timoré? En entrevue dans nos pages, Ariane Roy avoue que le titre de l’album vient d’une blague avec son collaborateur Dominique Plante (balado Sans filtre, Liana Bureau), qui a nommé un fichier de la maquette ainsi. Le nom a collé, peut-être fait-il un clin d’œil à l’humilité nécessaire pour garder la tête froide quand les marques de reconnaissances s’enchaînent avant même la sortie d’un premier long jeu.
L’album s’ancre dans la pop, une pop plus assumée que sur ses simples et EP précédents, et surtout plus tonique. L’offrande est tout à fait dans la suite logique de l’évolution de l’artiste et résonne dans l’air du temps. Tu voulais parler rappelle le disco récent de Juliette Armanet, des harmonies vocales rappellent aussi la Mélamine de Klô Pelgag. Aucune comparaison pour faire rougir! Et si le timbre d’Ariane Roy se confond dans les graves à celui de Lou-Adriane Cassidy, les deux chanteuses de Québec ont voulu offrir un pied de nez à la critique : elles chantent en duo sur Fille à porter, et seule une oreille très attentive peut les démêler.
Les 12 pièces de l’album (un nombre généreux dans la production actuelle) tressent un mélange de chansons d’amour et du deuil du passage de l’enfance à la vie d’adulte. Sur Miracle, une jolie ballade voix-guitare, la seule de l’album, Ariane Roy chante «parfois je tremble dans ma tête/je sais que mon corps me pardonne/j’hésite à tout faire disparaître/j’ai l’adolescence qui m’abandonne». Quelques chansons plus loin, dans Je me réveille, «J’oscille entre l’enfance et la mort». Si les références à la jeunesse sont présentes dans les textes, l’interprétation ne manque pas d’expérience et de maturité.
La réalisation du disque enregistré au studio de Pilou est très léchée. Le talent des musiciens et musiciennes qui l’accompagnent fait partie des forces de l’album. La belle brochette de musiciens de la Capitale se compose de Vincent Gagnon aux claviers (Lou-Adriane Cassidy), Cédric Martel à la basse (Hubert Lenoir, Apophis), Pierre-Emmanuel Beaudoin à la section rythmique (Apophis) et Odile Marmet-Rochefort (Beat Sexü, Men I Trust).
Côté textes, la plume sensible de Roy sert aussi bien les ballades que les pièces plus dansantes. Autant une phrase d’une simplicité comme «Je t’aime/Et c’est la seule chose que je sais ce matin» sur la pièce intimiste Le paradis de l’amour sonne juste qu’une invocation à la danse dans Kundah où la répétition d’«Oublie tout ce que tu crois» suivie d’un énergique «Sors de ta tête» ne peut que faire lever le mauvais sort. La poète Roxane Azzaria (elle aussi de Québec) a contribué au retravail des textes de Miracle et de Fille à porter.
La chaleur de la voix d’Ariane Roy trouve sa pleine sensualité avec Ce n’est pas de la chance, très réussie. Son registre laisse présager une suite de carrière florissante. D’ailleurs, en parallèle, la jeune artiste collabore au projet Les lunatiques, qui fait plutôt dans le garage-rock psychédélique.
En somme, un très bel album avec de bons textes et de beaux arrangements, mais qui ne se démarque pas tout à fait de l’offre actuelle. Mais ça, ce n’est pas une raison pour bouder son plaisir (plus gros que medium) et d’attendre les jours chauds dans un parc sans s’en mettre plein les oreilles.