Arctic Monkeys
The Car
- Domino Records
- 2022
- 37 minutes
Le plus difficile dans une carrière d’auteur-compositeur-interprète, c’est de rester pertinent. On a vu des milliers de fois des artistes connaître du succès avec un son et tenir mordicus à celui-ci. Ça donne généralement le résultat suivant : deux bons albums puis une longue suite d’albums complètement inintéressants qui tentent en vain de retrouver le son qui a fait crier des foules. La seule manière de rester pertinent est d’évoluer et donc… de se mettre en danger. C’est précisément ce que fait Arctic Monkeys.
Après avoir connu du succès avec un style de rock nerveux et puissant, le groupe a amorcé un lent virage vers un rock inspiré du passé. Alex Turner est de plus en plus devenu un crooner dans son approche vocale. On peut déjà déceler les origines de The Car dans No. 1 Party Anthem sur AM. Le son qui tire vers le « mellow rock » et vers une version plus orchestrée d’Arctic Monkeys pointait le bout de son nez. Avec Tranquility Base + Hotel Casino, le groupe a démontré qu’il plongeait dans une nouvelle voie créative à 100%. The Car, semble être l’aboutissement de cette approche.
The Car n’est pas un album qui est particulièrement facile d’approche, surtout si on est fan d’Arctic Monkeys de la première heure. Il faut en quelque sorte faire un deuil de ce que le groupe a déjà été pour nous. Une fois ce passage accompli, on découvre un groupe qui fait du rock adulte contemporain avec goût et des arrangements magnifiques. Dès les premières notes de They’d Better Be A Mirrorball on obtient une bonne dose de cordes magnifiques qui sont gardées sur le tempo par un Matt Helders qui s’inspire de plus en plus du jazz dans sa manière de jouer de la batterie. Alex Turner est plus crooner que jamais et une fois qu’on accepte une certaine théâtralité dans sa livraison, on se surprend à trouver qu’il n’en met pas tant que ça. Ce n’est jamais vulgaire; c’est nuancé, dosé et bien livré.
Il y a tout de même des moments entraînants sur The Car. I Ain’t Quite Where I Think I Am est un bel exemple alors qu’une guitare presque Motown fait des sparages et que les chœurs viennent ponctuées les moments forts de la pièce. Big Ideas, dans une certaine mesure, est aussi dans les plus rythmées, même si c’est plus doux que la précédente. Encore une fois, les cordes font une bonne partie du travail. C’est somptueux. Si Arctic Monkeys chantait les ruelles douteuses de Londres dans leur premier album, ici, ils nous chantent des pièces qui auraient un bal plutôt somptueux comme décor.
Parmi les bons moments, on retrouve l’excellent Hello You qui frappe autant par sa mélodie vocale que ses cordes dynamiques. La mélancolique Mr Schwartz rappelle un peu plus l’album précédent dans son approche. Perfect Sense qui clôt The Car est aussi un bon moment de musique avec son ambiance grandiose et grandiloquente. La chanson étrange du lot est la sombre Sculptures of Anything Goes. Elle jure avec ses synthétiseurs et sa bonne dose de réverbération. Alex Turner s’assure qu’elle trouve une pertinence avec le reste, surtout avec son approche vocale, mais on est musicalement ailleurs. C’est franchement intéressant.
Le tournant qu’avait pris Arctic Monkeys se confirme avec The Car, un album aux arrangements somptueux, aux mélodies convaincantes et à l’instrumentation générale franchement réussie. C’est un beau retour pour le groupe anglais.