Critiques

Anna Calvi

Hunter

  • Domino Records
  • 2018
  • 43 minutes
7

Après un excellent premier album éponyme (2011) et un One Breath encensé par la critique (2013), Anna Calvi s’est résolue à prendre une pause afin de réfléchir à sa prochaine aventure sonore tout en redéfinissant sa propre féminité. Au cours des cinq dernières années, la talentueuse guitariste a exploré le plaisir féminin de toutes les manières possibles, se libérant ainsi de toutes contraintes conservatrices, reléguant ainsi la pudeur aux oubliettes. Le nouvel album d’Anna Calvi, intitulé Hunter, est le fruit de toutes ces expériences.

« I’ll be the boy

You’ll be the girl »

– Chain

Réclamant haut et fort une part masculine dans l’expression de sa sexualité, refusant d’être réduite à un corps féminin fragile et délicat, l’artiste repousse ses propres limites (et les nôtres) en y allant d’un cri du coeur jubilatoire; elle qui adoptait une posture figée dans l’interprétation de ses chansons, particulièrement en concert.

Réalisé par Nick Launey (Nick Cave, Grinderman), Hunter est l’album le plus accessible de Calvi, et ce, malgré le propos affirmé et assumé qui vitalise grandement ce disque. Les envolées orchestrales qui caractérisaient son deuxième album côtoient quelques déflagrations décapantes. Hunter, Don’t Beat the Girl Out of My Boy et Indies or Paradise mettent de l’avant l’indéniable talent d’instrumentiste de Calvi. L’émouvante Swimming Pool évoque de belle manière le jeu guitaristique de feu Jeff Buckley.

En revanche, le disque perd quelque peu de son intérêt en milieu de parcours. Lorsque Calvi plonge dans un certain maniérisme vocal (utilisation à outrance d’un trémolo trop appuyé à la Siouxsie Sioux), l’admiration fait place à un certain agacement. Sans être de mauvaises chansons, Alpha, Chain et Wish versent dans une surinterprétation quelque peu dérangeante.

Néanmoins, Anna Calvi est une auteure-compositrice de qualité supérieure qui, malgré l’indéniable théâtralité de son oeuvre, sait captiver mélodiquement son auditoire. As a Man est une excellente chanson pop et la conclusive Eden est une véritable pourvoyeuse de frissons.

Bien sûr, on déplore cette cure d’amincissement rock au profit d’une pop plus consensuelle, mais qu’à cela ne tienne, Calvi est une créatrice essentielle dans le paysage musical actuel… et de l’entendre assumer pleinement sa part de « virilité sexuelle » – une normalité en ce qui me concerne – me réjouit au plus haut point.

Somme toute, Hunter est une réussite; la confirmation qu’Anna Calvi n’est pas un feu de paille… et dans cette industrie musicale marketisée, on ne peut qu’encourager l’existence d’artistes pop misant sur le contenu plutôt que sur le contenant.

Un bon disque de pop-rock théâtral.

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