S’il y a un groupe qui aurait mérité un bien meilleur rayonnement pour l’ensemble de son parcours artistique, c’est bien la formation originaire d’Austin, Texas …And You Will Know Us By the Trail of Dead. Depuis 1994, les deux co-meneurs, Conrad Keelly et Jason Reece, se sont affairés à crédibiliser un genre qui, à partir des années 2000, s’est égaré dans les méandres de la pop radiophonique : le rock alternatif.

En 2002, Trail of Dead — pour les intimes —avait catapulté probablement ce qui constitue leur plus grand disque en carrière : Source Tags and Codes. À l’époque, ce groupe important avait réussi à intégrer un peu d’ambition et de puissance à un genre qui en avait cruellement besoin.

Même si, par la suite, la formation à géométrie variable n’a jamais réussi à atteindre les hauts standards de ce long format susmentionné, elle nous a quand même offert quelques bons albums ces dernières années, Lost Songs (2012) et IX (2014), en tête de liste.

Pour célébrer son 25^e anniversaire d’existence en 2020, Trail of Dead nous avait présenté X : The Godless Void and the Other Stories qui, sans être le disque le plus intéressant de leur discographie, nous replongeaient par moments dans le penchant colérique qui nous plaît tant chez Trail of Dead.

Deux ans après la sortie de leur 10^e album, le désormais sextuor revient rapidement à la charge avec XI : Bleed Here Now. Inspiré par les grandes pointures rock des décennies 60 et 70, Trail of Dead a enregistré ses nouvelles chansons dans un ranch texan permettant ainsi au groupe d’être pleinement concentré sur la gestation de cette création, tout en respectant un tant soit peu les mesures sanitaires en vigueur dans cet état sudiste…

Mais ce qui particularise l’enregistrement de ce disque, c’est la voie sonore quadriphonique qu’a emprunté Trail of Dead. En effet, c’est un vieil ami de la formation qui a suggéré l’idée au tandem Keely/Reece d’enregistrer leur nouvel album sous ce format. Selon Wikipédia, la quadriphonie est « une technique d’ingénierie du son qui permet la restitution des musiques et effets sonores avec une impression d’espace accentuée, grâce à l’usage de quatre voies indépendantes : avant-droite, avant-gauche, arrière-droite et arrière-gauche ».

En fait, l’intention artistique qui se cache derrière cette technique d’enregistrement, c’est de combler le fossé qui existe entre l’art et la technologie. Or, derrière toute cette démarche, un peu ampoulée, disons-le, est-ce que Trail of Dead a réussi écrire de vraies bonnes chansons ? Plus ou moins…

De prime abord, ce long format regroupe un total de 22 chansons pour 75 minutes de musique. XI : Bleed Here Now est une relecture de tous les styles explorés par la formation au cours de sa carrière, mais de manière plus « mature » et apaisée. Il y a bien sûr des pièces comme Kill Everyone — du parfait Trail of Dead en mode post-hardcore — ou encore No Confidence qui, avec ses orgues tourbillonnants et ses guitares déflagrantes nous excitent quelque peu, mais la plupart du temps le sextuor plonge dans un rock orchestral plus grand que nature qui frise par moments la mégalomanie.

Des chansons comme Our Epic Attempts, qui profite de l’apport du Tosca String Quartet, ou Millenium Actress, qui voit l’intervention vocale d’Amanda Palmer affadir l’explosivité de la formation, tout comme Salt In Your Eyes et son refrain choral, sont spécifiquement conçus pour épater le passionné de son, plutôt que le tripeux de chansons. S’ajoute à ces enflures sonores, le chant en canon dans Protest Song et le monstrueux blues rock titré Taken By the Hand. Trail of Dead s’aventure même dans le folk « à la Fleet Foxes » avec Growing Divide, pièce qui profite de la participation de Britt Daniels (Spoon).

Puisque le tandem Keely/Reece est incapable de médiocrité, ce XI : Bleed Here Now demeure somme toute divertissant. Toutefois, ce virage adulte hautement ambitieux ainsi que l’éclectisme stylistique proposé édulcore la force de frappe coutumière de Trail of Dead. Cela dit, chers amateurs de rock alternatif fédérateur, plongez malgré tout dans ce nouvel album des Texans. C’est quand même nettement mieux foutu qu’un album de Foo Fighters…