Critiques

American Football

(LP3)

  • Polyvinyl Records
  • 2019
  • 48 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Il n’aura pas fallu attendre 17 ans cette fois-ci pour voir American Football nous revenir avec un nouvel album. Trois ans après la sortie de son LP2, la formation de l’Illinois lance un autre disque éponyme, appelons-le LP3, sur lequel elle construit sur les mêmes bases emo-math-rock, mais tout en élargissant ses horizons pour flirter avec le shoegaze et le post-rock. Le résultat va au-delà des attentes.

American Football a certes connu un parcours particulier. En 1999, le groupe, alors un trio, lançait un premier disque éponyme avant de se séparer à peine quelques mois plus tard. Mais un culte s’est lentement construit autour de cet album, et la formation est devenue une sorte d’icône du mouvement emo ayant émergé des États du Midwest américain dans les années 90, au même titre que The Promise Ring.

En 2014, American Football a annoncé qu’il donnerait ses premiers concerts en 15 ans. De l’aveu du chanteur et guitariste Mike Kinsella, le désir de sortir un deuxième album est venu de la constatation que la formation ne pourrait pas « jouer les mêmes neuf chansons ». Ce LP2 s’est vite inscrit comme le parfait complément du premier, comme si le temps n’avait eu aucune emprise sur le style du groupe.

Et nous voici rendus à ce LP3, qui s’ouvre sur la magnifique Silhouettes, un long titre de plus de sept minutes qui installe une atmosphère légèrement différente par rapport aux deux albums précédents. Ça commence avec de simples notes de vibraphone qui créent l’effet d’une horloge qui égrène les secondes. Et puis, les tintements s’agitent jusqu’à ce que la section rythmique puisse finalement asseoir une pulsation soutenue. La voix de Kinsella fait son apparition, enveloppée d’une réverbération qui marque un changement de texture par rapport à la manière dont le chant est habituellement traité chez American Football. La musique, elle, se veut plus expansive, et emprunte aux codes du post-rock avec une belle aisance. C’est à la fois planant et puissant, et sans contredit un des meilleurs titres de tout le catalogue du groupe.

Ce troisième album propose d’autres nouveautés qui viennent enrichir la proposition du groupe sans la dénaturer. Ainsi, trois chanteuses invitées offrent un joli contrepoint à la voix de Kinsella. Le duo le plus réussi est celui avec Hayley Williams, du groupe Paramore, sur Uncomfortably Numb. Au-delà du clin d’œil évident au classique de Pink Floyd, le texte expose les questionnements de Kinsella quant à sa jeunesse trouble et les défis de la paternité : 


« Sensitivity deprived

I can’t feel a thing inside

I blamed my father in my youth

Now as a father, I blame the booze ».

Uncomfortably Numb

Elizabeth Powell, du groupe montréalais Land of Talk, ajoute une belle couleur à Every Wave to Ever Rise, gratifiant même le refrain de vers en français : 


« Truth or dare

Love is the cross you bear

J’ai mal au cœur, c’est la faute de l’amour ».

– Every Wave to Ever Rise

Étonnamment, le duo le moins solide est celui avec Rachel Goswell, de Slowdive, dont la voix susurrée reste un peu trop en retrait sur I Can’t Feel You.

Il y a 20 ans, on n’aurait pas pensé qu’American Football puisse intégrer un chœur d’enfants à une de ces chansons, mais c’est pourtant le cas sur Heir Apparent. Le résultat est touchant et pas quétaine pour deux sous. En fait, il symbolise la réussite de ce LP3, un album où Kinsella et ses acolytes parviennent à montrer une maturité musicale (c’est sans doute leur disque le plus accessible) tout en préservant leurs métriques compliquées, leur héritage emo et cette même sensibilité à fleur de peau. Parce qu’on a beau devenir des adultes, on demeure toujours un peu des adolescents, comme l’exprime l’envoûtante Life Support 


« I’ve cried for you, for me, a stranger

I’ve cried in every room

When will it end, relentless adolescence? »

-Life Support

Le premier album d’American Football restera toujours un classique indémodable, sauf que le groupe signe probablement ici son œuvre la plus aboutie, juste à temps pour sa venue attendue au Festival Santa Teresa le 19 mai prochain.

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